lundi, août 31, 2009

Comment tombent les héros - Troisième partie (1)

Thomas.

Main dans la main, Thomas et Nathalie, par les chemins de traverse, se dirigèrent vers le petit pavillon campagnard occupé par Nathalie et son père. La police de Ferney, malgré les renforts envoyés par la préfecture suite à la mort par arme blanche du Commissaire, n'était pas en mesure d'effectuer une chasse à l'homme correcte, et comme personne ne connaissait mieux les secrets de la petite ville que Thomas lui-même, il bénéficiait somme toute d'une liberté de mouvement satisfaisante. Il avait même trouvé un appartement vide, pas trop vétuste, auquel il ne manquait que l'eau courante. Il avait donc laissé quelques affaires chez elle, cachées derrière les livres de la bibliothèque de Nathalie. M. Armand, le père de Nathalie, tenait une boutique d'armes à feu un peu en dehors de la ville. Ce n'était probablement pas un mauvais bougre, certes, mais il avait "une vie qui ne va que dans un sens", comme avait l'habitude de dire Nathalie, qui malgré tout l'adorait. D'après elle, il n'avait jamais tiré sur un être vivant, pas même une plante, mais il aimait les armes, respirer l'odeur de la poudre, maîtriser ses flingues comme on apprend la guitare. Le soir, un dîner léger avalé, il quittait son domicile à sept heures précises, passait très exactement une heure et quarante-cinq minutes dans un ancien bunker qu'il s'était aménagé, pour tester la précision de sa dernière acquisition, puis il se rendait au Bug, l'un des rares bistrots du coin, où il restait jusqu'à dix heures, buvant deux bières. Il rentrait ensuite, vérifiait les devoirs de Nathalie, l'écoutait raconter sa journée, lui souhaitait bonne nuit, puis s'enfermait dans son bureau pour faire ses comptes, s'informer sur les derniers modèles de mitrailleuses automatiques calibre 12'6'', ou regarder la télévision.
Il laissait le champ libre à sa fille, et pour le remercier elle "faisait son boulot de lycéenne", avançant tranquillement, sans faire de vagues. Thomas adorait ça, ce calme, cette ligne droite qu'elle traçait d'un point vers un autre, et qui à sa grande surprise s'était arrêtée près de lui. Resserrant doucement ses doigts, il lui jeta un petit regard en coin. Petite et blonde, toute ronde, ses grosses lunettes cachaient mal un regard d'une douce intelligence qu'il semblait redécouvrir à nouveau à chaque fois qu'il y plongeait les yeux. Elle était, aujourd'hui, son refuge. Et il en avait bien besoin, sa tristesse s'abattant en grosses gouttes grisâtres sur ses souvenirs.
Sandra. Sandra, tu fais chier. Sandra, tu me manques, reviens t'amuser avec nous. Sandra, ma pauvre petite Sandra, t'avais pas mérité ça, c'est pas juste, on a rien eu le temps de faire tous ensemble, tu étais déjà partie. Il crispa ses doigts entremêlés à ceux de Nathalie. Elle lui adressa un petit sourire triste. Ils arrivaient.

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