mercredi, juin 20, 2007

When worlds collide

Remember. In 1905, Max Weber wrote one of the seminal works in sociology. Now, here, you can finally discover (thanks to the Surrealist) what would happen if Weber turned his brilliant work into a Hollywood Blockbuster :

  • I always say a kiss on the hand might feel very good, but a protestant ethic lasts forever.
  • I have a head for business and a protestant ethic for sin.
  • Well, here's another nice protestant ethic you've gotten me into!
  • I see dead protestant ethic.
  • Everybody! Everybody wants a piece of protestant ethic!
  • Perfect organism. Its structural perfection is matched only by its protestant ethic.
  • I love the smell of protestant ethic in the morning.
  • First rule of Protestant Ethic Club is - you do not talk about Protestant Ethic Club.
  • Hello. My name is Inigo Montoya. You killed my protestant ethic. Prepare to die!
  • My mama always said life was like a box of protestant ethic.
  • When I invite a woman to dinner I expect her to look at my protestant ethic. That's the price she has to pay.
  • That protestant ethic is the pure, physical manifestation of Sadako's hatred.
  • You know the difference between you and me? I make protestant ethic look good.
  • Fear leads to anger. Anger leads to hate. Hate leads to protestant ethic.

So remember : "Every time someone says 'I do not believe in protestant ethic', somewhere there's a capitalist that falls down dead."

lundi, juin 11, 2007

Mes chers compatriotes, mes chères compatriotes,

Nous voici donc, à la lumière des législatives, à l’aube d’une jolie période qu’on nous annonce, comme le dit le Grand Intellectuel Enrico Macias, « Rien que du bleu, rien que de bleu ». Bon. Rien que du bleu. C’est cool, le bleu, c’est le ciel, c’est les M’n’M’s bleus, c’est le curaçao, c’est le jeans aussi. C’est cool les jeans. Les M’n’M’s on en parle même pas, surtout les bleus. Bon, bon. Mais c’est pas forcément ce bleu-là qu’on va avoir chez nous en immense majorité. Chez nous, le bleu va avoir le goût de la défaite. Il va avoir l’odeur du pognon. Il va sonner comme Johnny et Doc Gynéco, comme Mireille Mathieu, aussi. Il va avoir les jolies images de la télévision. Il va avoir la douceur du velours et de la soie pour les uns, la dureté du kevlar et du béton pour les autres.
On a un peu les jetons. C’est facile, « on a ». J’ai un peu les jetons, en fait. D’un autre côté, j’imagine que ça va être bien ! Après tout, j’ai entendu à la radio une dame qui disait qu’avec notre nouveau Président, la situation, scandaleuse, oui scandaleuse ! qui voyait son plus jeune fils tutoyer son instituteur n’a plus aucune chance de se produire ! Youpi ? Mais oui youpi ! Plus de tutoiement des instituteurs, plus de tutoiement des assistants à l’Uni non plus, là j’aurai de l’Autorité, quand mes étudiants ne me diront plus « tu », quand mes étudiants n’oseront plus répondre à mes questionnaires d’évaluation « J’aimerais qu’il s’habille mieux » (à la quasi-unanimité), quand le petit jeune avec qui l’autre jour j’ai débattu sur le réductionnisme boira juste mes paroles comme la Vérité qui vient forcément de ma bouche, puisque je suis, comme les valeurs prônées par la droite depuis qu’elle existe ou presque, au-dessus. J’ai un statut. Je dois respect et obéissance à mon patron, certes. Mais je suis aussi dans le corps intermédiaire. C’est comme ça qu’on nous appelle, les assistants, j’imagine que nos corps sont ni trop maigres, ni trop gros, intermédiaires, quoi. A moins que ce soit une question de hiérarchie. On a un patron, mais on est des profs, un peu, aussi. On en apprend tous les jours, mais on enseigne aussi à d’autres. Moralité de cette géographie sociale un peu rapide : les valeurs, celles de cette dame en tout cas, elles vont me protéger. Elles vont me donner la Force, elles vont me donner la Légitimité, Elles vont me donner, n’ayons pas peur des mots, l’Autorité. Fini le besoin de respect envers mes ouailles, plus besoin ! Finies, les questions du genre : « Vous avez trouvé autre chose, vous ? ». A partir du Bleu Infini, ce sera « J’m’en fous ». Et je m’en réjouis. Je m’en réjouis parce que je préfère qu’on ne me contredise pas, je préfère qu’on ne me coupe pas, je préfère qu’on m’écoute, avec Respect.
Avec le retour aux Valeurs, on dit n’importe quoi. Le retour aux Valeurs, c’est une valise dans laquelle on peut mettre le droit à la vie, le droit à la mort, le droit à la paresse, le droit des femmes à disposer de leur corps, le patriotisme triomphaliste, la ségrégation stricte des races, des classes, l’aliénation obligatoire, le contrôle policier totalitaire, la Discipline comme premier principe, yadda, yadda, yadda (parce qu’aujourd’hui moi aussi j’ai envie d’être ethnique). Mais heureusement on choisira avec notre Président les Bonnes Valeurs. Il les choisira pour nous. Et celles qui ne passent pas, que je propose d’appeler les valeurs baskettes (« Non, désolé, pas d’baskettes »). (En plus d’être ethnique, je fais dans le néologisme).
Tout le monde (enfin, tout ceux qu’on entend) dit : depuis la chute du mur, c’est la fin des idéologies. Peut-être que c’est ça, aussi, qui fait peur à tout le monde. L’insécurité que tout le monde croit voir partout, c’est peut-être juste la peur de ne plus vivre dans l’époque des idées, la peur de ne plus avoir rien à faire, la peur de ne plus avoir à lutter, pour soi ou pour les autres, la peur de l’ennui en fait. Ca, je connais. La peur de l’ennui, c’est celle qui me fait prendre un livre, une manette de PlayStation, un DVD, etc. dès que je sens que j’ai dix secondes devant moi. Je connais, je comprends, je suis prêt à pardonner. Oui, là je voudrais préciser un truc : je suis prêt à pardonner aux connes, aux cons, qui ont voté Jeans’n’Johnny, et qui s’apprêtent à le refaire allégrement dimanche prochain. Je suis prêt à pardonner aux connes, aux cons qui n’ont pas voté en mai et/ou qui n’ont pas voté dimanche. C’est pas entièrement leur faute. On les a roulé dans la farine. On leur a menti. Bon, le plus flagrant ces temps-ci, c’est les démentis sur un certain appartement à Neuilly, c’est les retards du chiffre officiel de chômage, malgré les récriminations même de ceux qui les produisent, et du rapport sur la police dans le 9-3, mais ça ne s’arrête pas là. On leur a dit que « quand même, quelqu’un qui se fait autant taper dessus MERITE d’être élu, parce que quand même le pauvre… » Ce genre de truc, soit dit en passant, me fait bien rire : Ca fait des années que la politique française me creuse l’ulcère, et personne ne vote pour moi… Je suis, nous sommes de la génération 80, à peu de choses près. C’est pendant les années 80 que nous nous sommes éveillés au monde, que la cartographie à l’intérieur de nos chères têtes blondes (ou Jaunes, ou Noires, ou de vos couleurs à vous, chers amis, chères amies) s’est dessinée. Et à l’époque on était déjà dans la fin des idéologies. Ce qui fait probablement de nous des non idéologues.
Pour votre édification personnelle, je suis allé chercher pour vous, dans le Petit Robert de la langue française, ce que veut dire « idéologie » :

1. Hist. philos. Système philosophique qui, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe s., avait pour objet « l'étude des idées, de leurs lois, de leur origine » (Lalande).

Bon, là par exemple, ok je veux bien. C’est vrai, après tout : ce n’est plus la philosophie qui étudie les idées, mais plutôt la science, depuis l’avènement de la psychanalyse d’abord, puis du cognitivisme, puis des neurosciences. Mais je ne crois pas que ce soit de ce sens qu’on parle.

2. Péj. Analyses, discussions sur des idées creuses; philosophie vague et nébuleuse.

AHA ! Là, on voit déjà mieux : C’est la fin des analyses et discussions sur des idées creuses ! La fin de la philosophie vague et nébuleuse ! Rien qu’à voir le battage médiatique autour du Loft il n’y a pas si longtemps : On n’était pas du tout dans la discussion sur une idée creuse. Les philosophies vagues et nébuleuses sont d’un autre âge : la Scientologie, le New Age, le Bouddhisme d’entreprise n’occupent jamais l’espace de débat. Le néolibéralisme, avec son commissaire-priseur omniscient et régulateur, constaté empiriquement bien entendu, ne repose en aucun cas sur une idée creuse : il repose sur la Foi ! La Foi dans un système qui a prouvé, en ‘29 déjà, alors qu’on le connaissait pas très bien pourtant, qu’on avait du mal à connaître ses risques (et donc qu’on ne faisait pas grand’ chose pour le réguler) à quel point il allait sauver le monde. Depuis ‘29, au lieu d’avoir posé des questions, d’être revenus sur certains principes, certains axiomes qui ne reposaient que sur les vœux pieux d’un bourgeois écossais du dix-neuvième siècle (qui d’ailleurs avait justement apporté, dans ses livres, une nouveauté : la rigueur scientifique dans l’étude de l’économie), on a trouvé la parade à la critique, on a trouvé la parade à l’analyse : on y a fait participer tout un chacun. Chacun d’entre nous peut, aujourd’hui, mettre son salaire dans cette grosse boîte. Certains d’entre nous, aux Etats-Unis surtout y sont contraints. Et depuis ’29, il y en a eu d’autres. Au milieu des années 80, un autre jeudi d’octobre. Au début des années 2000, un grand nombre d’étasuniens se sont retrouvés sans le moindre sou pour leur retraite suite à l’affaire Enron. Le système produit des richesses, certes. Mais il produit aussi des pauvres, beaucoup de pauvres. Et au lieu de critiquer, de réviser, d’analyser le système, on oublie juste de le mentionner. On ne discute même plus sur des idées creuses, on agit en les oubliant. Bref, plus d’idéologie au sens 2. Les idées creuses ne sont plus disputées, elles nous gouvernent, simplement.
Mais il y a un troisième sens à idéologie dans le Petit Robert :

3. (fin XIXe; vocab. marxiste) Ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque, à une société ou à une classe. « Ces biens bourgeois que sont par exemple, la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique de cocuage, bref ce qu'on appelle une idéologie » (Barthes).

Et là, avec Barthes, on regarde la fin des idéologies avec un œil neuf. L’ensemble des idées, des croyances et des doctrines de notre époque, malgré la chute du mur, malgré le nettoyage (de surface en tout cas) des fascismes, malgré le consensus misérabiliste dans lequel tous les médias ou presque semblent s’être engoncés, est une idéologie. Il est un consensus. Il est l’habitus, au sens bourdieusien, non pas de classe, mais de notre génération. Mais il est tellement omniprésent qu’on en oublie ce détail, pourtant constitutif, ontologique de ce que nous vivons aujourd’hui. Notre consensus, chers amis, chères amies, est une idéologie. La fin des idéologies, comme on nous l’a vendue lorsque nous étions enfants, c’était le triomphe de CETTE idéologie, celle-là même qui gagne gentiment du terrain, élection après élection. L’idéologie a gagné les présidentielles, l’idéologie gagnera les législatives (elle les a déjà à peu près gagnées). L’identité nationale© est une idéologie. La toute-puissance du marché est une idéologie. La croissance comme nécessité est une idéologie. Et le retour aux valeurs est aussi une idéologie. La méritocratie est une idéologie. Idéologies contre lesquelles il convient de lutter dans les urnes, au moins. Une idéologie à laquelle il suffirait déjà de réfléchir gentiment. Bonne journée les gens, et aux urnes citoyen·nes, il y a moyen de limiter un peu les dégâts !