vendredi, septembre 21, 2007

Blanche

Ma très chère petite fille.
Tu dois me haïr aujourd’hui, me haïr autant que je me méprise moi-même pour ce que je t’ai fait. Je n’ai aucune excuse pour tout ce que tu as dû subir par ma faute. Et aujourd’hui, alors que j’ignore le temps qu’il me reste à vivre, alors que ces années amères ont rouillé ce qu’il restait de mon humanité, je me dis qu’il est temps pour moi de m’amender, du moins en paroles. Peut-être me liras-tu quand tu trouveras cette lettre, peut-être pas. Mais cette culpabilité qui me ronge, et continuera à me ronger jusqu’à ce que la mort m’emporte, doit être étalée devant toi au grand jour, pour que tu comprennes, pour que tu saches que si je n’ai jamais activement cherché à te faire du mal, je suis coupable de la plus grande lâcheté.
Quand ta mère est tombée enceinte, nous ne pûmes contenir notre joie. Depuis le temps que nous attendions un enfant ! Nous étions heureux, tous les deux, mais si seuls, si seuls et sans avenir. Depuis l’annonce de son état à ta mère, tous les matins, nous faisions des plans, nous imaginions ce que ton futur serait, une fois que nous serions partis, nous te souhaitions tant de choses, tant de projets, tant de petits riens aussi, de ceux qui peuplaient notre quotidien, de ces petits je-ne-sais-quoi qui font que la vie mérite d’être vécue. Je repense parfois, quand ma haine de moi se calme un peu, à ces moments passés avec ta mère, à son sourire calme et à ses yeux brillants. A nos douces étreintes le soir au coin du feu. La grossesse se passa sans difficultés, et nous nous réjouissions chaque jour un peu plus de te rencontrer, de te montrer à quel point nous t’aimions déjà. Et comme nous allions t’aimer encore, une fois que tu serais avec nous ! Comme nous allions te chérir !
Le jour de l’accouchement fut le plus terrible de ma vie, le plus beau aussi. Jusqu’au tout dernier moment, tout se déroulait parfaitement, puis la sage-femme tout à coup s’est mise à transpirer et à s’affairer de plus belle. J’étais complètement dépassé. Je suis resté debout, un peu à l’écart pour la laisser travailler, les cris de ta mère étaient devenus déchirants, inhumains, et j’ai su à ce moment que tout était fini pour elle. Elle est morte quelques secondes après ta naissance, en me serrant la main. Ses derniers mots furent ceux de ton nom. Elle n’a pas eu le temps de me faire jurer de prendre soin de toi, ce pourquoi je ne suis pas parjure. Mais je lui ai failli chaque jour depuis. Le temps lui a manqué pour me mettre face à ma lâcheté, pour me dicter la conduite de l’homme caché derrière la loque que je devins par la suite.
Je me retrouvais seul avec toi. Déjà, tu étais la plus belle des petites choses que j’avais jamais vues. Tu avais ses yeux, ses lèvres rouge sang, ses cheveux noirs de jais. Tu grandis pendant 18 ans pour devenir de plus en plus son image. Moi, j’ai sombré. Plus rien ne semblait me retenir à la vie, à part toi, mais tu me faisais tellement penser à elle que te voir m’était à la fois un pur bonheur et une insupportable douleur. Et c’est là ma première lâcheté, de ne pas avoir su prendre mes responsabilités, de ne pas avoir réussi à me hisser au-dessus de ma peine. J’ai cherché à déléguer la responsabilité qui m’incombait, avec les résultats désastreux que je t’ai par la suite forcés à vivre. Lorsque je me suis remarié, je me suis dit qu’il te fallait quelqu’un qui puisse souffrir de te voir sans être déchiré de l’intérieur, quelqu’un qui saurait t’apporter un soutien, un sourire, une conversation n’étant pas parsemée de soupirs mélancoliques. Le remède fut pire que le mal. Elle était très belle, elle avait l’air équilibré des gens qui savent ce qu’ils veulent. Elle m’aimait d’un amour profond, malgré ma médiocrité. Je n’eus pas à la courtiser longtemps, ce qui valait mieux, dans la mesure où je ne désirais rien d’autre qu’une personne à qui te confier. Et, pendant un temps, elle s’acquitta de cette tâche avec rigueur. Je crois même qu’elle t’appréciait, qu’elle goûtait ta compagnie. Mais jamais je n’ai su la regarder comme elle l’aurait mérité, jamais je n’ai su la remercier pour le rôle que je lui avais fait prendre. J’aimais tellement ta mère, je vivais tellement dans le passé, j’implorais son nom dans mes crises de désespoir, j’implorais ton pardon aussi, pour l’homme que j’étais devenu. Elle était devenue la reine d’un roi de paille, d’un roi flétri par le passé et ses fantômes. Elle tint bon pendant toutes ces années, espérant chaque jour un peu plus que je regarderais enfin le présent dans les yeux, que je la verrais elle pour ce qu’elle était. Mais sa beauté se fanait, comme le font toutes les belles choses, en leur temps. J’ignorais pour qui elle désirait tant être la plus belle, ou feignais de l’ignorer. Peut-être craignait-elle, à cause ma distance, que jamais plus je ne la désirerais. Jamais je n’ai refusé sa couche. Mais j’étais si souvent ailleurs, en d’autre temps, en d’autres lieux et, par lâcheté encore, au lieu de saisir la vie qui s’offrait à moi, si différente soit-elle, je l’ai délaissée. Ta propre beauté quant à elle brillait de plus en plus à travers le voile de ton enfance, que tu laissais déjà derrière toi. Et le doute s’emparait de ma nouvelle femme et ses tentacules glacés commencèrent à enserrer son cœur. Et sans même m’en apercevoir je l’ai entraînée dans ma folie. Je la revois, contemplant les effets du temps sur son si joli visage, les rides soucieuses, les yeux bouffis par les larmes. Pendant ce temps, j’étais au fond d’un verre. J’avais coupé tout lien avec toi, je m’étais rassuré que tu étais en de bonnes mains, que rien ne pouvait plus t’arriver, que mes responsabilités envers toi avaient disparu. Trop heureux de pouvoir me détruire, la tête haute et les mains propres, je t’abandonnais sans même m’en apercevoir entre les griffes d’un destin tissé par deux fous.
A ta majorité, à ta disparition, j’ai sombré encore plus profond, si c’était possible. Lorsqu’elle m’apporta la nouvelle, je la maudis, je l’insultai, je brisai en elle les derniers bastions d’espoir. Puis je m’enfermai dans un mutisme et une déchéance totaux. Je ne quittais ma chambre que pour boire, et manger parfois. Je haïssais ma reine qui, peut-être pour me plaire, sans doute par humiliation et rancœur, devint la créature de folie et de sang que mes yeux lui renvoyaient. Lorsqu’elle me demandait qui était la plus belle, je lui répondais, à chaque fois, que c’était toi, que je croyais morte et enterrée.
Je sais aujourd’hui ce qu’il advint de toi pendant ce temps. Tu as fait ce que tu devais faire pour survivre. Tu as usé de ta bonté pour te faire des amis, tu as su te rendre utile dans des tâches dont ta naissance et moi-même aurions dû te préserver à jamais. Mais je sais que tu attendais le bon moment, pour revenir. Des rumeurs courent sur une jeune personne masquée qui pendant ces années chercha à rassembler une armée de mercenaires, qui se battit contre un dragon gardant un fabuleux trésor pour les payer, qui passa la nuit dans une maison hantée pour en délivrer les esprits de ses propriétaires. Tes petits hommes de main parcoururent les contrées lointaines pour y trouver des compagnons, notamment un jeune prince dont tu fis un de tes lieutenants. Il s’était imaginé prendre les rênes de ton armée, et ce n’est qu’après un duel d’une journée entière que, enfin tombé au sol, il t’accorda son allégeance. D’après les dires de certains, tu en as fait ton élève, ton confident, et ton amant. J’entends qu’il est encore un peu vert, mais que son cœur est sincère, et sa lame, précise. Par deux fois, alors que ma reine venait te narguer dans ton quartier général, tu dus te faire passer pour morte. Et la dernière fois, alors que ton plan était finalisé, que tes armées allaient marcher sur le royaume pour en réclamer ton droit, alors que ma reine était si bien grimée qu’elle en était devenue méconnaissable, elle t’a, par la ruse et la fourberie, finalement fait tomber. Et pendant ce temps, je vivais encore à travers le goulot d’une bouteille.
Tout le pays par-delà les montagnes d’airain vint à ton enterrement. Tu fus enchâssée dans ton cercueil de verre, les armes à la main, les poings serrés, comme tu avais vécu tes derniers jours, ta beauté augmentée par la force de tes convictions et l’âpreté des combats passés. Ivre de douleur, ton amant s’est jeté sur ton cadavre, et en a délogé le morceau de pomme empoisonnée. Tous ont crié au miracle, et tu t’es, une fois encore, relevée. Tu as, une fois encore, pris le contrôle de ton destin. Tu as repris le contrôle de ta bande de ruffians et tu as marché, la tête haute, sur tes terres. Tu n’as montré aucune pitié envers celle qui avait tenté de te faire disparaître. J’aperçois encore ce qui reste de sa tête par la fenêtre de ma chambre. Vos noces ont été célébrées alors que vous étiez encore rouges de sang séché. Et maintenant tu viens ici. Je ne sais pas ce que tu veux, mais je ne saurai pas quoi te dire, et maintenant que j’ai couché ces mots sur le papier je tremble de me montrer à toi comme la larve immonde que je sais être devenu. Garde la dague que tu trouveras dans mon cœur, c’est le seul souvenir que j’ai gardé de ta mère. Ce sera mon cadeau de mariage. Malgré mon état misérable, malgré mes inaliénables fautes, malgré ma lâcheté et ma bassesse, sache que je vous ai aimées toutes les deux autant qu’un homme n’a jamais pu le faire, que je suis fier de toi, que tu as dépassé toutes les espérances d’un père, et que je repenserai à toi chaque seconde que je passerai en Enfer. Mais j’entends déjà les bottes de tes hommes monter l’escalier, et mon destin m’attend. Je t’embrasse, chère enfant. Puisses-tu un jour oublier ma traîtrise. Adieu.

jeudi, septembre 06, 2007

On writing

Today, I discovered that Maud, who's a good friend of Reb, has a blog, where she has posted two examples of her writing. It is always hard to judge these blog thingies, for they are both forums and diaries, showcases and windows to the soul. The latest text is pretty good, if you're into that sort of thing, the style is acceptable, sometimes brilliant, sometimes easyish... You kinda wish she'd grow up as a writer, because there's definitely something there, although sometimes deeply hidden.
Which brings me to my point : It has been pointed to me, recently, regarding something I'm working on lately but haven't shown to anyone save a select few, for reasons which I'm not even sure I can explain, it has, as I was saying before digressing, been pointed to me that my writing has improved.
I am not saying this to brag, I hadn't even noticed, I'm still not completely convinced it's true. But let us, for the sake of argument, consider this for a second : how have I improved ? In the last few years, I have been writing on and off pretty much all the time, for two very different purposes : the obvious first is the academic writing, which is basically the core of my job, producing texts of various lengths to explain what I think or have been thinking about. The second is what you read here on this blog, and have read in the green file I had in high school, or whatever. The interesting point is this : Be it in the academic field, or here in my various musings and stories, the way for me, and, I believe, for anyone who writes, to improve is to have written. If my latest work is indeed better than my previous musings, it is not because I have toiled and suffered more over it, if my thesis project is now found good by my boss, it is not because I've given it a lot more thought. In both cases, I achieved more, I hit closer to my goal (be this goal Science or Art), simply by having worked on something quite different. This is comforting on several levels :
First, it gives me hope that one day, despite my inherent laziness and insecurities, I might finish something of a reasonable length, and, maybe, consider publishing.
Second, it makes me feel better about not finishing some of the things I've abandoned for the time being, although with the hope I will finish it someday, don't lose hope.
Third, it may mean that someday I will be able, in my academic writing, to write things once and for all in the first go, which will save time.

All in all, I'm pretty glad about this great discovery. Don't get me wrong, I'm still plenty doubtful about my true potential as a writing person, but it has given me a clearer perspective on my career and on the things I enjoy doing. I hope I haven't bored you guys too much, and wish you all the best. And I hope this little post will have reassured those who maybe thought I'd not been working on more stories.