lundi, décembre 03, 2007

ACTIOOOOOOOON(3)

Chose promise, chose due, voilà la fin de cette scène d'action. J'espère que vous vous êtes bien amusés.

La roquette explosa dans une gerbe de flammes, percutant Jack de plein fouet. Il fut projeté plusieurs mètres en arrière et alla s'écraser contre un mur. Autour de lui, les énormes containers s'étaient arrachés au sol dans un grincement déchirant, avant de se renverser dans un fracas indescriptible. James aperçut la Comtesse bondir vers un endroit moins touché par l'explosion. Malgré sa vitesse surhumaine, et ses capacités prodigieuses, elle dut se recevoir en roulé-boulé, s'arrêtant de justesse avant le prochain couloir. Pendant ce temps, le LetheBot avait réussi à la cibler, la suivant de son pointeur laser. James entendit une nouvelle roquette s'engager dans le tube du robot. La Comtesse n'avait pas de NEST-D, il allait falloir ruser. Il lui transmit sur son Senso un message : « Vas-y ! » La Comtesse s'élança, alors que le container qu'elle venait d'atteindre se dérobait lui aussi sous ses pieds. Elle bondit, exécutant en plein vol un majestueux salto, et vida son chargeur directement dans l'échine du LetheBot, où se trouvait son contrôleur d'intelligence artificielle. Le robot se retourna immédiatement, visant sa nouvelle cible. Bénissant le fait que le cerveau artificiel de la machine était incompatible avec les derniers Senso, James profita de l'aubaine pour commencer son approche, le long d'un étroit passage. Un mouvement devant lui l'avertit de la présence d'un nouvel adversaire. Profitant de sa surprise, James lui logea promptement une balle dans la tête. La situation était suffisamment grave pour ne pas prendre de gants, pensa-t-il. Il envoya à ses deux compagnons une requête de statut. La Comtesse répondit immédiatement qu'elle était à couvert, mais que le robot allait sans doute balayer la zone, voire envoyer une roquette dans les containers proches, lui rendant toute échappatoire difficile. « Pas en bonne posture, mon cher... », conclut-elle. Pas de réponse de Jack. Son Senso semblait fonctionner, néanmoins, ce qui voulait dire qu'il n'était ni mort, ni inconscient. James se détendit un peu : Cela signifiait que Jack était en train de former sinon un plan, une manière de retourner la situation à leur avantage, temporairement tout du moins. Il continua sa progression vers la zone où se trouvait le LetheBot. Ils semblaient s'être débarrassé du gros des troupes, et le robot était le dernier obstacle entre eux et leur objectif. Un obstacle de taille, certes, mais l'espoir était là. Il se remémora tout ce que les briefings lui avaient appris sur la machine : excessivement rapides et mobiles, les LetheBots étaient redoutables dans tout combat sur terrain non accidenté (leurs poids leur interdisant tout saut). Ils étaient pilotés par un logiciel de pointe, programmé pour faire face aux situations tactiques les plus subtiles, capables d'apprendre quasi-instantanément les stratégies de leurs adversaires et d'élaborer des contre-offensives la plupart du temps efficaces. Etonnamment, la Comtesse n'était pour rien dans la conception de ces machines, si ce n'était pour les armes embarquées dans chacun de leurs bras, l'architecture neuronale de leur cerveau artificiel, et quelques uns des servomoteurs dans leurs articulations. « Des broutilles de-ci, de-là... », avait-elle déclaré, la première fois que leur petite équipe avait rencontré ce genre de résistance. James se dit qu'il ne la remercierait jamais assez d'être de leur côté. Elle avait pourtant tout à gagner à s'engager du côté du NWM mais, lorsque parfois il évoquait le sujet, elle balayait la discussion d'un petit geste impatient de la main.

Le LetheBot cherchait toujours à détruire ses appuis. Elle arrivait encore à esquiver les coups, mais le spectacle de destruction qui se présentait désormais tout autour d'elle lui laissait présager une fin des plus rapides si le plan de Jack échouait. Le fracas des explosions, des impacts de balles, des grosses boîtes de métal qui se tordaient, était étourdissant. Elle commençait à fatiguer. « Reprenez-vous, Mademoiselle, résonna la voix de Mary, sa vieille gouvernante, une Lady n'abandonne jamais avant d'avoir tenté l'aventure, que ce soit pour un dîner pour les soixante convives du pavillon de chasse de votre père, affamés par l'hiver et les loups qui rôdent, ou pour abattre un mécréant tentant d'attenter à sa vertu. » Elle sourit, malgré ses mâchoires serrées par l'effort, et sauta sur l'un des derniers containers dont la structure ne semblait pas prête à s'effondrer. Son Senso lui envoya un plan tactique. Jack avait eu une idée brillante.

Il était ailleurs. Il était profondément en lui. Il ne sentait rien d'autre que ce qu'il choisissait de sentir, il ne voyait rien d'autre que ce qu'il choisissait de voir. Ce n'était pas la fumée qui lui piquait les yeux, ce n'était pas l'explosion qui avait causé ce bourdonnement dans ses oreilles, cette douleur dans ses membres. De là où il se trouvait, il percevait encore la jungle, les cris des fauves en chasse. Il pouvait choisir de voir l'entrepôt, ce qu'il faisait en ce moment, mais il ne s'y trouvait pas. Il y avait envoyé sa force, il y avait envoyé sa rage. L'explosion n'avait blessé que sa surface, mais lui se trouvait ailleurs, bien plus profond et, de là, il pouvait évaluer clairement la situation. Il passa une main sur son visage, pour enlever la pellicule poisseuse sur son oeil droit. Puis il accéléra. James était sur sa droite, en progression rapide, prêt à agir. La Comtesse occupait son adversaire, mi-souris, mi-chat, tentant de briser la carapace de Plastiflex recouvrant le cerveau artificiel. Ceci lui laissait le temps. Il signala son intention à James, sans une parole. Il était incapable d'utiliser le langage, en ce moment précis. James lui envoya un signe d'acquiescement. Il semblait avoir compris. Le robot n'était plus qu'à quelques mètres. Jack se campa juste derrière, reprogramma son NEST, entoura un mince ruban de nanomachines autour de son poignet, puis sauta. L'essaim de petites machines suivit son mouvement. Au moment où il commençait à retomber, son NEST s'illumina, chaque nanorobot crépitant d'énergie. Le LetheBot fit immédiatement volte-face, mais se retrouva pris dans le nuage. Il s'immobilisa instantanément. De sa retraite, là-bas, en lui-même, Jack entendit son corps hurler.

James se précipita vers Jack et son prisonnier. Il visa précisément les articulations du robot, faisant voler en éclat les délicats servomoteurs contrôlant les mouvements du monstre, qui manqua de s'écrouler sur Jack, toujours recouvert d'une pellicule de nanomachines, dorée comme du miel. La Comtesse arriva en un éclair. Elle sortit de sa poche un petit clavier portatif sur lequel elle tapa rapidement un code. Le NEST sembla soupirer un moment, puis tout l'essaim finit sur le sol.
« Imbécile, cria-t-elle à l'attention de Jack, toujours inconscient, savez-vous le danger que vous encourez à contrôler directement un NEST ? Vous pensez que votre cerveau est capable de gérer un échange d'information avec un pareil réseau sans risquer que celui-ci ne se déverse en lui ? La douleur a dû être intenable, espèce de... de schizophrène ! » Elle sembla se calmer un instant, avant de reprendre : « Vous avez vu ça, James, cet homme est fou ! Il aurait pu être lobotomisé par ces choses. Je vous jure devant Dieu que c'est la dernière fois que je travaille avec pareils primates ! Oh, ne faites pas cette tête-là, vous saviez très bien ce qu'il comptait faire, et ne m'interrompez pas, s'il vous plaît, vous n'avez rien d'intéressant à contribuer à cette conversation. Il a branché son cerveau directement sur l'essaim... Vous comprenez ce que ça veut dire ? Probablement pas, béotien que vous êtes. Il aurait pu y perdre la vie, et nous la nôtre, par la même occasion ! ». James baissa la tête. Il n'était pas capable de répondre à la Comtesse. Elle avait raison. Il s'estima heureux d'être en vie. Il attendit, tête baissée, que l'orage se calme, puis demanda : « Comment va Jack ? ».
« Il est en vie, et son état semble normal, celui d'un imbécile doublé d'un dément. Mais je pourrais en dire autant de vous. »
James tenta un sourire. La Comtesse lui jeta un regard d'une infinie patience. Décidément, il était de plus en plus soulagé de ne pas la compter parmi leurs adversaires.