lundi, août 31, 2009

Comment tombent les héros - Quatrième partie (5)

Wilhelm.

Lentement, mais sûrement, il était en train de perdre du terrain. Serpentine n'avait qu'à avancer encore un peu et elle n'aurait même pas à le neutraliser complètement avant de pouvoir tuer les deux vieux humains. Elle l'avait d'ailleurs parfaitement compris, et semblait se battre uniquement dans le but de le faire reculer davantage, sans chercher à lui infliger des dégâts importants. Simplement, elle utilisait sa force pour le repousser, avançant inexorablement, pas à pas, vers les deux hommes, facilement mis hors d'état de nuire au début du combat. Wilhelm encaissait, résistait de mieux qu'il pouvait, mais sans une ouverture il ne pouvait rien faire, pas prendre pied. La colère montait en lui, sourde, terrible, mais insuffisante. Serpentine n'était plus qu'à un mètre de ses amis. Il rassembla ses forces une dernière fois et se jeta sur elle, son épaule percutant son adversaire en plein abdomen avec un bruit sourd, comme un bélier contre une porte de chêne. Déstabilisée, Serpentine planta ses deux mains griffues dans le dos de Wilhelm, qui poussa un terrible feulement. Il la poussait de toutes ses forces, levant derrière lui de grosses pattes de neige mêlée de terre, tentant de lui broyer les os. Mais elle résistait. Elle enfonçait de plus belle ses griffes dans son dos. La douleur était indicible, Wilhelm soufflait des imprécations dans sa langue d'origine, chaque pouce de son être aiguisé pour la seule tâche de détruire, de repousser, de tenir en tout cas.
Ils restèrent ainsi, appuyés l'un à l'autre dans cette grotesque étreinte pendant une éternité. Puis, soudain, une petite étincelle vint se mêler aux gros points rouges qui troublaient sa vision sous l'effort. Un petit murmure, presque un bourdonnement, s'éleva autour d'eux. Wilhelm luttait toujours, mais Serpentine semblait troublée, moins concentrée. Il leva les yeux : une nuée de petites lumières désordonnées tournait autour de la doppelgänger, s'insinuant dans ses yeux, dans ses oreilles, dans les deux fentes qui lui servaient à respirer. Le chuchotement s'intensifia, semblant tourner autour d'elle, la tourmentant de phrases presque audibles. Elle dut extirper ses griffes du dos Wilhelm pour les chasser, ce qui lui causa une nouvelle vague de douleur, qui s'estompa un peu lorsqu'il releva la tête. Serpentine faisait de grands gestes, tentant de chasser les étranges insectes qui la harcelaient maintenant, venant percuter son visage de toutes parts. Son agitation grandissant, elle se démena de plus belle, parvenant à écarter le plus gros de l'essaim. Après quelques secondes, elle réussit à s'extirper du nuage, broyant de ses mains une poignée de petites lumières. La voix de Nicolas parvint aux oreilles de Wilhelm : "J'espère que ça sera suffisant." Wilhelm acquiesça.
Lorsque Serpentine revint à la charge, il était prêt. La course de la doppelgänger l'emmena s'empaler directement sur les griffes de Wilhelm. Elle tenta de le frapper encore, de lui arracher les yeux, mais avec les derniers restes de ses forces, Wilhelm écarta les bras d'un coup sec, sectionnant son adversaire en deux. Son râle d'agonie retentit à travers tout le parc, sa colère électrisant les combattants, ramenant l'espace d'un instant le calme sur le parc. Wilhelm posa un genou à terre, et leva la tête. Il entendit l'horloge de la ville sonner deux coups, et parcourut du regard le parc ravagé par la bataille. Elisa était assise au sol, le regard vide. Devant elle, Thomas et Nathalie se retenaient l'un l'autre de tomber, pris en tenaille. Il n'arriverait jamais à les tirer d'affaire. Il ne pouvait presque plus bouger. Il entendit Thomas lui crier quelque chose. Puis il tomba à terre épuisé. Ils allaient mourir en combattant. C'était une consolation.
A ce moment précis, à l'ouest, le soleil se leva.

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