mardi, janvier 17, 2006

Darwin

J'ai récemment parcouru le dernier hors-série du Nouvel Observateur - publication sérieuse s'il en est - intitulé "La Bible contre Darwin". Ce magazine présentait au public français la théorie (américaine surtout) de l'Intelligent Design, cette théorie qui, sans être créationniste, cherche à replacer Dieu dans les débats scientifiques. Ceci me rappelle la réflexion de l'un des fondateurs de la Royal Society (Boyle, peut-être, ou Newton), l'académie des sciences Anglaise, à l'époque :"Nous avions placé Dieu hors de nos débats" (ceci se passait dans la deuxième moitié du 18ème siècle)... Bien, le théâtre des opérations étant désormais fixé, divers scientifiques illustres avaient leur place pour démolir cette théorie comme étant un ramassis de conneries "non-scientifiques" et forcément des émergences d'un système (social) tentant d'instrumentaliser la Science à des fins politiques. Jusqu'ici, pas de problème, on a bien compris : Intelligent Design pas beau pas gentil, Science belle et Vraie, c'est bon, ils ont tort on a raison on va passer à autre chose merci beaucoup. Moui...
Bon...
Mais quand même...
Y a un truc qui me gêne un petit peu, là...
Dieu ou pas Dieu, d'ailleurs...
Je m'explique : que ces braves messieurs, biologistes, paléonthologues, physiciens s'accordent tous pour dire que ce qu'ils font est Science, et que bonne Science ne saurait mentir, contrairement à tous leurs beaux contre-arguments envers la théorie des "autres", là, les moutons noirs de la science qui cherchent à prouver des tas de trucs nazes, et qui finalement ne sauraient être dans le Vrai puisqu'ils ne sont pas dans la Science.
Entendons-nous bien, la théorie de l'Intelligent Design ne me paraît pas du tout réaliste ni correcte. Mais les arguments de tout ce numéro du hors-série d'une revue (non-scientifique de surcroît) m'ont mis profondément mal à l'aise : finalement, ils stipulent dans ce magazine que Vrai et Science ne font qu'un, et quelque part que tout ce qui n'est pas Science est faux, n'est qu'un construit social. Deux prédicats marchant bien ensemble, certes, mais qui sont à mon avis des exagérations monumentales, et franchement paternalistes envers le commun (non-scientifique) des mortels. Premièrement : la Science est Vraie. D'accord. Mais alors, on peut arrêter de chercher de nouvelles choses, car ce qui est Vrai ne vaut pas la peine d'être réfuté... On se calme : Il arrive tous les jours que les scientifiques fassent des raccourcis, des hypothèses, etc. etc. ce qui est par ailleurs très sain, puisque celà permet d'aller plus loin ensuite. Il ne s'agit pas non plus de sombrer dans le relativisme total. La Science est, en quelque sorte "Vraie", mais elle est vraie parce que le vrai est défini par le scientifique. La méthode scientifique en elle-même a défini pour nous le Vrai. Utiliser l'argument "ce que vous dites est faux parce que ce n'a pas été prouvé scientifiquement" revient à la même tautologie que de dire "Je déduis de l'existence du monde que Dieu existe parce que je sais que Dieu a créé le monde". La science a ceci de joli qu'elle permet justement d'utiliser des connaissances "vraies" pour trouver des solutions pragmatiques à des problèmes d'aujourd'hui. La méthode scientifique a la rigueur nécessaire pour trouver des causes et les rompre, que les phénomènes qu'elle décrit soient Vrais ou non. Ce qui m'amène tout gentiment à mon deuxième problème : La science en tant que méthode n'est pas une déduction du réel, ou, en tout cas, pas seulement. Lorsque les scientifiques parlent de l'Intelligent Design, tout se passe comme si seule cette théorie était un fait social (les journaux en feraient, à peu de choses près, un de ces phénomènes de société) ou politique. Ai-je bien entendu ? Mais alors, on m'aurait menti ? Lorsque l'on m'a raconté qu'à une époque pour soigner les femmes de l'hystérie (maladie bien connue des maris qui en ont marre) on leur enlevait simplement l'utérus ? Lorsque Broca mesurait les cerveaux des uns et des autres, concluant que celui des êtres inférieurs était bien moins volumineux, en excluant consciencieusement tous les cerveaux qui n'étaient pas dans sa tendance ? Lorsque la Science s'obstine à nous dire qu'il n'y a que deux sexes alors que même au niveau des chromosomes sexuels on peut définir au moins 4 (si ce n'est plus) possibilités (dont certaines sont très rares, certes, mais je simplifie). La Science, malgré son "projet" d'universalité, louable certes, mais complètement irréalisable, perd de vue, par manque d'humilité, le simple fait qu'il n'existe pas de Science (ou du moins, pas de scientifique) qui soit libérée de toutes les présuppositions et prises de position inhérentes au contexte social de sa production : toute connaissance scientifique permet, dans une certaine mesure, de changer le monde (des idées), mais elle est elle-même co-construite par le politique (au sens le plus large possible), par ses choix de thèmes de recherches, de ses méthodes, de l'attrait des théories pour le grand public, et ainsi de suite.
Or, de ces quelques détails minimes, le hors-série du Nouvel Observateur ne pipait mot. La propagande fondamentaliste est tout de même parfois plus proche de chez soi que l'on croit.

1 commentaire:

Wotan a dit…

Being in the business what I have noticed is that scientist tend to be filled with pride and forget that they are human. On the other hand it is frustrating to have 2 deacons and a lady with limited scientific education and strong religious affilitations (that had previously tried to pass creationism in class) tell you that your discipline (science) is too narrowly defined and shoud include the study of the supernatural. Then telling you that really complex things you can figure out yet must be gods work. Just as frustrating as someone telling you all you were taught is fiction.