mardi, mars 21, 2006

Arkham (3)

Geoff frappa, attendit une réponse qui vint tout de suite, et entra. Le bureau de Finn n’était pas dans le même état que l’entrée de l’institut de philologie. C’était une grande pièce bien éclairée, confortable, sentant les infusions aux fruits et le vieux bois. Les murs étaient eux aussi tapissés d’étagères, mais chacun des ouvrages s’y trouvant était soigneusement aligné. En entrant, sur la droite, on pouvait voir trois fauteuils de salon autour d’une petite table d’acajou puis, juste derrière, un piédestal de marbre sur lequel reposait un coffret de bois richement décoré, fermé d’une vitre et d’un cadenas Kerberos 161 (un des plus durs à faire sauter, pensa Geoff). Au fond, un grand bureau, en acajou lui aussi, lui faisait face. Heather Finn y déposa la loupe qu’elle tenait à son entrée et s’approcha de lui. C’était une femme d’âge mûr, l’air particulièrement énergique et amical. Elle s’était redressée avec peine avant de se lever, une déformation professionnelle sans doute, mais une fois levée elle s’était déplacée sans aucune gêne, et lui avait saisi la main avec une force qui le surprit.
- « Bonjour, Monsieur Hart, je suppose ? » dit-elle avec une voix à la fois autoritaire et chaude.
- « Appelez-moi Geoffrey, Professeur », répondit Geoff, en lui rendant sa main.
- « Professeur, c’est un peu formel. On va passer directement aux prénoms, d’accord ? On sera plus à l’aise, on aura l’air moins vieux, et j’aurais moins l’air de vouloir faire comme les collègues. Que puis-je pour vous, mon cher Geoffrey ? Puis-je vous offrir un thé ? J’ai bien peur de n’avoir rien d’autre à vous proposer, en tout cas sans alcool… À votre air très professionnel je suppose que vous êtes du genre ‘jamais pendant le service’… Ce qui n’est pas un mal. J’ai un mari qui est mort de ne pas avoir suivi cette ligne de conduite : il était archéologue, une tombe piégée, un bloc de pierre, enfin je vous passe les détails. Du thé, donc ?»
- « Volontiers », répondit Geoff, un léger sourire aux lèvres.
Elle lui fit signe d’aller s’asseoir dans l’un des petits fauteuils et s’affaira sur une petite bouilloire derrière son bureau. En passant, Geoff jeta un œil au coffret de bois posé sur le piédestal. Il contenait un énorme grimoire, ouvert à une page représentant un corps d’homme réalisé avec une grande minutie, mais affreusement déchiqueté, coupé, brisé, écorché de toutes les manières possibles. Chaque blessure était accompagnée d’une légende. On aurait dit un manuel de médecine du XVIIe siècle, mais comme détourné de toute velléité de soins. Comme si le livre était un manuel de mutilation et de torture. Les gravures lui firent froid dans le dos.
« Ah, je vois que vous regardez mon Necronomicon ! Plutôt réussi, n’est-ce pas ? On raconte que les serviteurs des Grands Anciens s’en servaient lors de leurs rituels impies pour réveiller leurs grosses bébêtes. Si on arrive à le déchiffrer, on doit pouvoir faire de la magie et invoquer toutes sortes de créatures monstrueuses. Enfin, si l’on ne devient pas complètement fou. On entend tout et n’importe quoi sur ce livre. Pouvoir infini, fortune et gloire, tout ça. Malheureusement, personne n’a jamais prouvé son existence. Celui que vous voyez n’est pas vraiment un faux, et il est parfaitement conservé, mais il n’a de valeur que pour les historiens, et plus par rapport aux techniques de gravure qu’au contenu, plutôt ennuyeux, d’ailleurs. Je le garde parce qu’il vaut très cher, et pour me rappeler que le vrai, malgré toutes nos avancées techniques, est plus flou qu’on ne le pense. »
Geoff sortit de sa poche les reproductions des symboles trouvés sur la scène du crime. Lorsqu’elle revint s’asseoir près de lui, lui passant son thé, il avait disposé les papiers sur la petite table, et s’était assis sur un des fauteuils, particulièrement confortables.
« Je vous ai mis sur cette table des symboles trouvés sur une scène de crime. Il y avait une certaine logique dans la disposition de la scène qui nous a fait penser à des meurtres en rapport avec l’occulte. »
Le premier des dessins représentait une sorte de mille-pattes stylisé, enroulé autour d’un disque. Finn se pencha dessus pendant un moment, pensive. Puis elle se saisit du suivant. Il représentait un homme agenouillé devant une masse protoplasmique et grotesque rappelant un crabe, ou peut-être un scorpion. Elle le fixa intensément, ne le quittant des yeux que pour boire une gorgée de thé. Elle le reposa enfin pour passer au dernier dessin, une sorte d’éclipse solaire. Geoff, patient, sirota son infusion en regardant le ciel par la grande fenêtre derrière le bureau. L’automne ne faisait que commencer, et le soleil brillait encore dans un ciel sans nuages.

5 commentaires:

Reb a dit…

Encore ! Encore ! Je veux savoir la suite...

Jojo a dit…

A quand le grand Cthulhu, à votre avis ?

Bouddha a dit…

la suite! la suite!

cheztao a dit…

mais pourquoi s'arrêter juste là!!!! tu sais qu'on va revenir lire! Tu as pas besoin de nous faire attendre pour etre sur qu'on sera la la semaine prochaine à la même heure!!!!!!!

ARRRRGGGGGGHHHHHH LA SUIIIIIITE!!!!

Jojo a dit…

Bon ben ça fait déjà 4 jours qu'on a pas eu d'Arkham le Ourge... C'est bien beau d'écrire des trucs sympas comme ça, mais après les gens ont des attentes...