dimanche, octobre 07, 2007

Apprenons à apprécier nos frères prognathes

Hier soir, ma maman, mon frère, et moi-même avons (et je vous jure que c’est vrai), regardé le match de rugby. Oui, madame, oui, monsieur, votre serviteur a fait une entorse à ses principes d’imperméabilité totale aux gesticulations des australopithèques décérébrés courant derrière une peau de porc gonflée, pour vous rapporter, en direct ou presque, ses impressions sur le sujet. Alors voici, dans le plus grand désordre, ce que j’ai compris du rugby :
Alors pour commencer, j’ai tenté d’en saisir les règles. Apparemment, dans ces grandes piles humaines qui ont lieu régulièrement sur le terrain, il existe une règle qui interdit à un des joueurs de l’équipe adverse de passer derrière les autres. Ma maman et moi-même en sommes arrivés à la conclusion que cette règle doit dater d’une époque durant laquelle, pour échapper au qu’en-dira-t-on, ne pouvaient se télescoper deux hommes d’une certaine corpulence qu’à l’expresse condition qu’ils viennent du même pays, ou l’on pourrait jaser. La question demeure cependant de savoir si aujourd’hui, alors que nos mœurs sont passablement plus libres qu’en ce lointain passé où il semblait encore nécessaire de connaître le prénom, le nom et le statut social de la personne que l’on étreignait, cette règle a encore une raison d’être. Je ne saurai le dire. Nous avons aussi appris qu’il n’était possible de passer à la main qu’à l’arrière. Mon frère, versé dans ce noble sport plus que nous deux autres réunis, nous expliqua que pour passer à l’avant on pouvait tirer au pied. La question se posa par la suite sur le fait qu’il fût possible de tirer vers l’arrière avec le pied… Il nous répondit, avec l’infinie patience qu’il exhibe en toutes circonstances lorsqu’il doit expliquer à des imbéciles, que c’était effectivement permis, mais aussi – ajouta-t-il en soupirant – complètement stupide, le but du jeu étant d’emmener le ballon non pas loin des velus d’en face, mais justement dans leur camp. Et moi qui croyais qu’ils se disputaient bêtement la possession de l'objet ! Non, en fait, si j’ai bien compris, tout dans ce sport est affaire de bonnes manières : si l’on devait scénariser l’affaire, ce serait une question de vieilles femmes de bonne famille, l’une ayant emprunté la soupière en argent de l’autre pour le repas organisé en l’honneur du Duc de Bourgogne, avant son départ dans une cure au plus profond de la Suisse pour y soigner une syphilis particulièrement virulente. Appelons nos deux commères Irène et Francesca, et rejouons la métaphore du rugby dans cette petite saynète, édifiante de pertinence si je puis me permettre pareille autocongratulation :

Irène : Allô, Francesca.
Francesca : Très chère Irène, comment allez-vous ? Comment va le duc ?
Irène : Très bien ma foi, chère Francesca, tout le monde a particulièrement apprécié le dîner, et vous aviez raison pour le quatuor à cordes, une bonne partouze ne passe jamais mieux que rythmée par Les quatre saisons de Vivaldi.
Francesca : Ah ! Ce Duc, quel homme !
Irène : Je ne vous le fais pas dire. Maintenant si je vous appelle c’est pour vous prévenir que je vais vous ramener votre soupière, chère Francesca.
Francesca : Mais pas du tout, ma chère Irène, n’en faites rien, j’avais l’intention de vous la donner, pour la ranger entre vos deux poteaux dans le petit salon ocre.
Irène : Je ne saurai accepter, Francesca, Je vous la ramène moi-même, et la rangerai entre VOS deux poteaux.
Francesca : J’insiste, j’insiste. J’ai justement quatorze amis qui se feront une joie de m’accompagner chez vous.
Irène : J’ai quatorze amis aussi, voyez-vous, et ils se réjouissaient tous de ranger votre soupière.
Francesca : Vraiment, vous me mettez dans l’embarras. Retrouvons-nous donc sur la pelouse. Et que les meilleurs gagnent.
Irène : A tout à l’heure alors !
Francesca : Mes amitiés au duc.
Irène : Au revoir !

Et c’est ainsi, d’après moi, qu’est née cette noble suite d’empoignades viriles.
Vous remarquerez que ce blog comporte désormais une étiquette Sport, mais ne vous attendez pas à ce qu'elle soit usée souvent.

3 commentaires:

Reb a dit…

Hu hu hu. Tu voudrais pas faire pareil avec d'autres sports ?

Kash a dit…

trop fort tes deux derniers posts :)
J'aime bien aussi l'histoire lyrique du parking ticket. C'etait carrement passionnant, y'avait de la passion, de la jet set, tout quoi.

Unknown a dit…

C'est un regard nouveau que je porte à présent sur le rugby :o)

Je ne te savais pas écrivain anthropologue...