lundi, février 06, 2006

Blind Date (2)

Une demi-heure plus tard, je sais d'elle :
-Qu'elle travaille comme éditrice, que son boulot est de lire des propositions et de gérer des écrivains "à l'ego immense".
-Qu'elle a un chat siamois appelé Pythagore, ayant perdu un oeil dans des circonstances mystérieuses. "Probablement une quelconque querelle philosophique..."
-Qu'elle refuse de conduire de peur d'y prendre goût et de blesser le train qu'elle a pris tous les jours pour venir de banlieue.
-Qu'elle aime les fraises givrées, et les milk-shakes à la vanille.
La conversation, malgré mon trouble, vient sans peine. Mon besoin a au moins ça pour lui : je la dévore des yeux lorsqu'elle parle. Mon regard est intense, fixé sur elle comme si tout l'univers autour de nous s'effaçait, comme si les lumières dans le bar s'étaient doucement apaisées puis éteintes... Finalement, aucun des sujets que j'avais recherchés pour lancer la conversation ne m'a été utile. J'ai même un peu parlé de moi. Et posé des questions, je me suis intéressé à elle, vraiment, de tout mon coeur, essayant de lui faire comprendre à quel point j'ai besoin d'elle à quel point elle est ce qu'il me faut. J'ai repris un café, puis un autre. Elle boit des ristretti qu'elle commande avec un accent des plus délicieux. Elle fume de temps en temps, des menthol qui m'intoxiquent. Son odeur combine ces arômes, et d'autres, un Dior probablement, capiteux mais discret, et surtout sublimé par sa peau. Des yeux, du nez, des oreilles je la dévore toute entière ! Elle m'enivre suffisamment pour que je me lance : je lui saisis la main, et lui propose de dîner avec moi, chez moi. Elle accepte. Cela fait si longtemps que personne n'a accepté ! Mon désir, mon besoin s'agitent en moi, tels une bête furieuse et affamée. Nous nous levons, je paie, l'aide à enfiler son manteau (son cou si blanc, si pur). Je la prends par la main, et la guide vers mon logis. Nous y sommes en quelques minutes, mes mains tremblent alors que je cherche la serrure. L'appartement est immaculé, j'y viens si peu. Moi qui avais si peur de me trahir, de paraître si désespérément affamé... Elle s'émerveille de mes goûts, de mes tableaux de maître, de toutes ces choses dont je n'ai cure, tellement je la sens près, prête à devenir ma proie. Mes crocs, déjà, s'allongent. Mais j'ai si peur, si peur qu'on me découvre, qu'on me voie. Si peur de me réveiller avec un pieu dans le coeur pour ne plus jamais revenir. Je ferme la porte derrière nous.

Cette nuit-là, la porte de l'appartement 12 b s'ouvrit sans un bruit autour de deux heures du matin. Une silhouette grande et légère, sentant les cigarettes mentholées et le parfum (plutôt Guerlain que Dior) descendit les escaliers dans un silence presque surnaturel.
"Quel dommage, pensa-t-elle, de se nourrir de l'un des nôtres... Bah, les temps sont durs, et il était déjà sur le point de mourir de faim. Un pudique, sans doute..." La silhouette haussa les épaules. Déjà, elle avait quitté l'immeuble, et avait disparu dans la nuit.

7 commentaires:

Jojo a dit…

Toi t'es un romantique...

Très beau, en tout cas, on regrette que ça n'ait pas duré... Il y aura une suite ?

'No a dit…

On verra. En tout cas c'était bien drôle (pour vous aussi j'espère).

Anonyme a dit…

oui, surtout l'histoire du parfum...
finalement la coupure entre les deux était plutôt sympa, comme si l'histoire, d'un épisode à l'autre, avait soudain déviée...
l'histoire, belle et romantique, presqu'un début de roman à l'eau de rose, devient alors sombre et attise l'intérêt...
je ne sais pas pourquoi mais ton histoire me fait faire penser à des livres que tu m'avais donnés mais dont je ne me rappèle plus le titre, ça me reviendra...
l'inspiration certainement... le style aussi...
mais la suite devient un désir et, peut-être un besoin...!

Jojo a dit…

Tu as remarqué comme ils laissent entrer n'importe qui sur ces blogs, depuis quelques temps ?

Unknown a dit…

Lol! < mr Jo >

Ca c'est du Nono! Encore, encore!!
Comme quoi, TDS hein?

'No a dit…

Jojo : tu sais bien que tout le monde peut rentrer en... euh chez moi, baskets ou pas d'baskets.
Bourgui : par TDS, tu veux dire tous des suceurs de sang ? Vilain garnement !

Anonyme a dit…

moi j'adore! je reconnais bien la vos goûts pour le fantastique!

Bon une petite news pour tout le monde: On va (de nouveau) peut être partir au Laos. On regarde pour partir en septembre. On met tous ca en marche. Je vous keep updated!
love you all!!!