lundi, octobre 09, 2006

Arkham(13)

Le soir tombait. Le ciel avait pris une couleur d’airain et au long de la route, Geoff pouvait voir l’océan battant les falaises. L’eau, elle aussi semblait avoir pris la couleur du métal, un métal sombre, glacé. Depuis ce matin (et comme il lui semblait lointain, ce matin) le ciel s’était couvert : de gros nuages gris s’étaient formés. La grande route sur laquelle Mantoni conduisait pied au plancher était déserte. Plus personne ou presque n’habitait dans la région. Quelques rares personnes avaient choisi de rester dans la campagne ou dans les bois, quelques auberges de jeunesses, désertées à cette époque par les touristes, produisaient çà et là de la lumière. Il pouvait aussi apercevoir les lumières d’Arkham, au loin.
- « Est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer, soupira soudain Mantoni, comment un type arrive à parcourir cette distance derrière nous sans qu’on s’en aperçoive, et sans faire le moindre bruit de moteur ? »
- « Bon, il peut nous avoir suivis de suffisamment loin pour pas qu’on le remarque, s’être arrêté à une distance suffisante pour qu’on n’entende pas sa voiture, et fait la fin à pied, répondit Geoff sans grande conviction. »
- « Ouais, mais enfin c’est pas comme si tout le monde savait où on allait. C’est pas comme si on avait suivi nos procédures standard… Et puis trouver la baraque d’Harry, comme ça, sans savoir… » Elle laissa en l’air la fin de sa phrase. Aucune chance, aucune, que qui que ce soit ait pu trouver la cabane sans avoir été exactement sur leurs talons. Et ça, c’était tout simplement impossible, elle l’aurait remarqué. « Tu as parlé d’Harry à qui que ce soit, demanda-t-elle, d’une voix très calme. »
- « Non. Je vois pas pourquoi j’en aurais parlé à qui que ce soit. »
- « Oui c’est bien ce que je pensais. Je cherche, je cherche. J’ai la rage. » Ses mains étaient crispées sur le volant, phalanges blêmes.
- « Tu m’étonnes. »
- « Le pauvre petit gars était mort de trouille, et on n’a rien pu faire. Il avait mis son sort entre nos mains, et on n’a pas réussi à éviter qu’il se fasse bouffer par une putain de bestiole dégueulasse. » De rage, Mantoni frappa son tableau de bord.
- « Pour moi c’est ça le plus bizarre dans cette histoire : Les mille-pattes. On a des cadavres dans des mille-pattes dessinés, et aujourd’hui un mille-pattes géant. OK, d’accord, c’est pas une taille très inhabituelle pour un mille-pattes, il paraît, surtout dans la forêt, comme ça. Mais il reste que jusqu’à aujourd’hui des mille-pattes géants j’en avais jamais vu. Il faut bien qu’il les trouve quelque part, ces mille-pattes, non ? »
- « Si. On fera un tour chez les collectionneurs demain. On a rendez-vous quand chez ta spécialiste de l’occulte ? »
- « Un peu quand on veut. Je pense qu’on pourra faire ça aussi, demain. »
- « Bon. » Mantoni esquissa un sourire à Geoff et, l’espace d’un instant, plongea son regard dans le sien, un regard fort d’assurance et de sérieux, qui semblait dire (ou en tout cas elle l’espérait) : « C’est bon, j’y suis maintenant. Je fais face ». Il n’aimait pas la voir comme ça, elle le savait. Il pensait qu’elle était moins efficace à tourner dans sa tête comme un lion en cage, et elle n’était pas toujours sûre qu’il avait tort. Néanmoins, la colère en elle était toujours là. Et elle savait que Geoff, de son côté, et malgré son calme apparent, bouillait du même feu. Elle inspira une grande bouffée d’air, alluma une cigarette, et emprunta la sortie « Arkham – 20 Miles ». Le ciel était éteint, et s’était fondu dans l’océan.

1 commentaire:

Reb a dit…

Ben moi je voulais quand même dire que C'EST TROP COOOOOOOL QU'ON AIT LA SUITE DE L'HISTOIRE. Non, franchement, ça faisait un moment que j'attendais le prochain épisode et là, on sait pourquoi on a patienté :-)