lundi, novembre 06, 2006
Arkham(16)
Lorsqu’il revint à lui, il était dans sa voiture. D’après les lumières qui filtraient par le pare-brise arrière, il n’était pas resté trop longtemps dans le cirage, à moins que Marco n’ait vraiment rien fait pendant un très, très long moment. Mais il en doutait. Il avait suffisamment vu de gens se relever après un choc pour savoir que son ami avait fait à peu près comme tout le monde : se réveiller soudain et agir en mode semi automatique, laissant la scène terrible et ses implications en attente. Il allait passer des sales nuits, Geoff le savait. Il allait se réveiller en sueur un certain nombre de fois, peut-être. Mais pour l’instant, il faisait exactement ce qui devait être fait. Ses mâchoires étaient crispées cependant, et son expression celle d’un homme entièrement dépassé par les événements. « Va moins vite ou je te mets un PV… » coassa-t-il. Le poison, le combat, l’avaient laissé complètement déshydraté. Marco jeta un œil dans le rétroviseur, ralentit... Geoff tenta de lui sourire, mais d’après l’œil inquiet qu’il reçut en échange, sa condition ne devait pas s’être améliorée. « Je me sens un peu mieux, t’en fais pas… » mentit-il en se redressant un peu. « Si tu veux parler, je crois que je suis en état. »
-« C’était quoi ces trucs, demanda Marco. »
-« Mille-pattes »
-« Mais euh… ça existe vraiment ces trucs ? Je veux dire, en vrai qui attaquent les hommes et tout et tout ? »
-« Manifestement, oui. »
-« Il va falloir qu’on fasse venir un exterminateur ou un truc comme ça, tu crois pas ? »
-« Ouais, on fera ça. »
-« Et toi, toi tu as tiré dessus avec ton arme de service. »
-« Ils m’ont cherché. »
-« Mais tu es souvent confronté à ce genre de choses ? »
-« Habituellement non, mais ces temps-ci… Disons que je n’ai pas été surpris. »
-« Ah… C’est bien… » Marco jeta de nouveau un œil dans son rétroviseur. Son expression montrait clairement que ce n’était pas bien du tout, mais que son cerveau ne serait pas capable de produire plus avant une petite pause. Ca tombait bien. Les urgences étaient l’endroit idéal pour réfléchir.
mardi, octobre 24, 2006
Arkham(15)
-« Donc ça c’était hier soir… J’ai rien compris à tout ce truc. Une minute on est tranquillement en train de discuter, celle d’après elle se met à pleurer. Je sais pas trop pourquoi. J’imagine que c’est parce que je lui ai menti, elle doit se dire que… Je sais pas. Enfin bon quand elle pleurait je lui ai demandé s’il fallait que je parte, et comme elle répondait pas je suis parti. Tu y comprends quelque chose, toi ?»
-« Il peut y avoir des tas de raisons pour qu’elle réagisse comme ça. Bon déjà tu aurais du rester et essayer de discuter. »
-« Tu as raison, mais je me sentais tellement crétin, là. J’ai essayé de la rappeler quand je suis arrivé chez moi, mais je suis tombé sur le répondeur à tous les coups. »
-« Bon, elle va peut-être digérer tout ça, c’était peut-être le choc… »
-« Je sais pas trop… En tout cas ça me fout un peu le moral dans les chaussettes… Heureusement que tu étais là ce soir pour… me faire une frousse de tous les diables. »
-« Euh désolé. Bon il doit quand même y avoir quelque chose à faire. Tu as essayé de retourner chez elle ? »
-« Pas aujourd’hui, non. »
-« Bon, tu dois avoir raison. Peut-être qu’elle te rappellera. Je pense que tu peux lui demander des explications, au moins. Tu y vas gentiment, tu t’excuses, et puis tu poses la question. Elle a l’air cool cette fille, en tout cas comme tu me l’as décrite. Je pense qu’elle te reparlera quand elle sera… » Alors qu’il parlait, Geoff vit le visage de Marco virer au blanc en l’espace d’une fraction de seconde. Il regardait un peu au-dessus de lui et semblait sur le point d’hurler. Sans hésiter, Geoff se saisit de son arme et fit volte-face. « … prête. ». A peine à un mètre de distance, trois mille-pattes, énormes et noirs se précipitaient à leur rencontre sur le plafond. Geoff fit feu immédiatement, touchant l’un des arthropodes qui tomba au sol avec un bruit sourd. La bête n’était apparemment pas morte, mais se tortillait sur le sol, semblant vouloir se remettre sur ses pattes. Geoff releva les yeux. L’une des créatures venait de se laisser tomber sur lui, griffant son visage avec une force qu’il n’avait pas imaginée. La douleur était atroce. En plus de la puissance derrière les petits crochets remuant sans cesse, il pouvait sentir une autre douleur, plus douce celle-ci, qui semblait s’étendre de plus en plus à chaque battement de son cœur. Il lâcha son arme et tira de toutes se forces sur le petit corps frétillant, l’arrachant à son visage, laissant une longue griffure derrière lui. Un moment, les antennes de l’animal, d’une douceur écoeurante, vinrent lui lécher le visage. Il lança la bête de toutes se forces contre le mur. Le corps laissa une traînée jaunâtre sur le mur avant de tomber au sol, immobile. Il se retourna. Marco tentait de repousser la dernière créature avec sa bouteille de Mountain Dew. Geoff se baissa pour ramasser son arme, et hurla de douleur. Le premier mille-pattes avait saisi sa main et avait planté ses crocs entre le pouce et l’index. Il empoigna son pistolet de la main gauche, posa la droite sur le sol, la créature encore accrochée, et fit feu, espérant ne pas sursauter. Le bas du corps éclata, coupant presque la bête en deux. Il arracha sa main aux griffes inertes, puis fit signe à Marco de ne pas bouger. Il se concentra une seconde et, toujours de la main gauche, fit feu. Il ne réussit qu’à effleurer la bête, qui se recroquevilla sur elle-même de souffrance. Marco regarda Geoff, qui haussa les épaules, et l’écrasa de plusieurs coups de talons.
mercredi, octobre 18, 2006
Arkham(14)
- « S-Salut… Euh… Eh bien… Tu n’étais pas là et… Enfin… Je me suis dit que l’un dans l’autre euh… Ben euh… Désolé. »
Geoff, l’air excessivement sérieux, foudroya l’intrus du regard pendant un long moment. Celui-ci était comme à son habitude vêtu d’une salopette tombante sur un t-shirt informe. L’homme était grand, maigre et mal rasé, la consternation et la honte se disputaient son visage. Geoff hésita un moment à le faire se tortiller encore un peu. Non. Son pressentiment n’avait été qu’une fausse alerte, et il n’avait pas le cœur à se montrer encore plus dur. Il se fendit d’un large sourire, s’approcha de lui et lui envoya une petite tape amicale. Il montra la pendule murale du doigt, il était sept heures passées. « Marco Kimble en personne, et debout à cette heure-ci ? Tu fais de l’insomnie ? Et où étais-tu passé depuis deux semaines ? ». Marco, plus ou moins remis de ses émotions, s’avachit dans le canapé. « C’est bien pour ça que je suis venu ici. » Il se leva, passa à la cuisine prendre un Mountain Dew, et ramena une bière à Geoff, qui le remercia avant de s’asseoir à côté de lui. Il aimait Marco comme un frère. Ils s’étaient croisés dans le bus pendant plusieurs mois, à l’époque où celui-ci travaillait encore dans une boîte de traitement de données, avant de s’adresser la parole. Et puis une fois Marco avait franchi le pas. Il s’était assis à côté de Geoff et avait commencé à lui parler, de tout et de rien. Geoff, qui n’avait guère d’autre ami à l’époque que de vagues connaissances du boulot, n’attendait que ça. Célibataires tous les deux, et habitant à deux pas l’un de l’autre, ils avaient pas mal de temps libre qu’ils occupaient la plupart du temps dans cet appartement à regarder des films ou à faire des parties de la dernière trouvaille ludique de Marco. Celui-ci avait une connaissance encyclopédique de tout ce qui avait trait à l’amusement sous toutes ses formes, et même si Geoff n’était pas aussi féru que lui, Marco lui trouvait toujours un passe-temps sympathique. Puis Marco avait fait fortune avec une petite application qu’il avait revendue à une grosse compagnie qui lui avait fait une offre qu’il n’aurait jamais osé imaginer. Geoff s’était attendu à ce que Marco déménage, qu’il refasse sa vie dans un coin plus ensoleillé, dans une ville plus gaie. Mais il n’en était rien. Marco était resté. Geoff soupçonnait que Marco, ayant été son confident le plus fidèle, craignait de tomber dans les mêmes travers que sa mère. Ou alors qu’il n’avait rien ni personne à part lui, et qu’il s’en satisfaisait pleinement. Il était donc resté à Arkham, dans le même appartement, avec le même style de vie. Il se couchait et se levait plus tard, mais sinon rien n’avait changé. Et tout au fond de lui Geoff lui en était reconnaissant : lui non plus n’avait pas grand’ monde à qui se confier. Néanmoins, ces temps-ci, il avait remarqué quelques changements d’habitude chez son ami. Il n’apercevait plus de sa fenêtre les clignotements incessants provenant des différents écrans toujours allumés chez lui. Il y avait quelque chose qui clochait, et Geoff avait bien une petite idée de ce que c’était… Effectivement, Marco avait rencontré une fille. Il était venu ce soir lui raconter tout ça.
lundi, octobre 09, 2006
Arkham(13)
- « Est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer, soupira soudain Mantoni, comment un type arrive à parcourir cette distance derrière nous sans qu’on s’en aperçoive, et sans faire le moindre bruit de moteur ? »
- « Bon, il peut nous avoir suivis de suffisamment loin pour pas qu’on le remarque, s’être arrêté à une distance suffisante pour qu’on n’entende pas sa voiture, et fait la fin à pied, répondit Geoff sans grande conviction. »
- « Ouais, mais enfin c’est pas comme si tout le monde savait où on allait. C’est pas comme si on avait suivi nos procédures standard… Et puis trouver la baraque d’Harry, comme ça, sans savoir… » Elle laissa en l’air la fin de sa phrase. Aucune chance, aucune, que qui que ce soit ait pu trouver la cabane sans avoir été exactement sur leurs talons. Et ça, c’était tout simplement impossible, elle l’aurait remarqué. « Tu as parlé d’Harry à qui que ce soit, demanda-t-elle, d’une voix très calme. »
- « Non. Je vois pas pourquoi j’en aurais parlé à qui que ce soit. »
- « Oui c’est bien ce que je pensais. Je cherche, je cherche. J’ai la rage. » Ses mains étaient crispées sur le volant, phalanges blêmes.
- « Tu m’étonnes. »
- « Le pauvre petit gars était mort de trouille, et on n’a rien pu faire. Il avait mis son sort entre nos mains, et on n’a pas réussi à éviter qu’il se fasse bouffer par une putain de bestiole dégueulasse. » De rage, Mantoni frappa son tableau de bord.
- « Pour moi c’est ça le plus bizarre dans cette histoire : Les mille-pattes. On a des cadavres dans des mille-pattes dessinés, et aujourd’hui un mille-pattes géant. OK, d’accord, c’est pas une taille très inhabituelle pour un mille-pattes, il paraît, surtout dans la forêt, comme ça. Mais il reste que jusqu’à aujourd’hui des mille-pattes géants j’en avais jamais vu. Il faut bien qu’il les trouve quelque part, ces mille-pattes, non ? »
- « Si. On fera un tour chez les collectionneurs demain. On a rendez-vous quand chez ta spécialiste de l’occulte ? »
- « Un peu quand on veut. Je pense qu’on pourra faire ça aussi, demain. »
- « Bon. » Mantoni esquissa un sourire à Geoff et, l’espace d’un instant, plongea son regard dans le sien, un regard fort d’assurance et de sérieux, qui semblait dire (ou en tout cas elle l’espérait) : « C’est bon, j’y suis maintenant. Je fais face ». Il n’aimait pas la voir comme ça, elle le savait. Il pensait qu’elle était moins efficace à tourner dans sa tête comme un lion en cage, et elle n’était pas toujours sûre qu’il avait tort. Néanmoins, la colère en elle était toujours là. Et elle savait que Geoff, de son côté, et malgré son calme apparent, bouillait du même feu. Elle inspira une grande bouffée d’air, alluma une cigarette, et emprunta la sortie « Arkham – 20 Miles ». Le ciel était éteint, et s’était fondu dans l’océan.
samedi, septembre 16, 2006
Japanese update
Kampai !
mardi, juillet 25, 2006
Arkham (12)
Il se rendit compte que ses deux amis s’étaient arrêtés, au niveau de la fenêtre par laquelle l’agresseur s’était introduit. Sortant de sa rêverie, il commença à inspecter le sol, précautionneusement, prenant garde de ne pas fouler d’éventuelles traces, mais parfaitement conscient que si l’homme avait réussi à les suivre sans se faire remarquer, et à s’introduire aussi efficacement, il n’avait sans doute pas laissé de traces non plus. Hong faisait de même, un air dubitatif sur le visage. Mantoni tentait quant à elle de découvrir comment il avait pu se hisser jusqu’au premier étage. Elle tenta tout d’abord d’escalader le mur, mais même une athlète comme elle avait bien du mal à trouver une quelconque prise. Les lambris recouvrant les murs étaient bien trop petits pour pouvoir s’y accrocher avec les mains. Elle s’éloigna ensuite un peu, et escalada le plus proche sapin. Geoff la regarda avec une admiration non dissimulée. En moins de temps qu’il en faut pour le dire, elle s’était retrouvée assise sur l’une des grosses branches et, sûre d’elle, commença à tendre ses bras en direction des murs. Tentant de toutes les façons possibles d’atteindre la fenêtre. Mais malgré sa grande taille, et ses mouvements précis, elle ne réussit jamais à s’approcher suffisamment. Elle interpella Geoff et Hong :
- Y en a un qui pourrait me dire comment un type, même grand, fait pour atteindre une fenêtre de cette hauteur sans une échelle ?
Hong haussa les épaules.
- C’était peut-être Batman ? Quelqu’un a pensé à regarder le ciel ? répondit Geoff.
- Hahaha, Batman, à Arkham, très drôle, répondit Mantoni, pas du tout amusée. Tu n’as pas autre chose à me proposer ? Des traces de pas en bas ? Chaussures à crampons, ventouses, quelque chose ?
- J’ai bien peur que non. J’ai trouvé une pomme de pin. Mais à moins que notre tueur ne se soit dit « Tiens ! Une pomme de pin ! Et si je la tenais un moment et que je laissais mes empreintes partout dessus », je doute qu’elle puisse nous apprendre quoi que ce soit. J’ai bien peur que tout ceci ne reste un mystère complet jusqu’à demain…
- Je vais envoyer l’équipe avec les UV pour voir si votre coco n’a pas laissé traîner du sang partout, les coupa Hong. Mais en dehors de ça je ne vois pas ce que nous pouvons faire de mieux. Rentrez donc chez vous, je vous ai assez entendus.
Geoff et Mantoni échangèrent un regard complice. Hong les congédiait pour leur permettre de reprendre des forces, mais il ne pouvait pas se permettre d’exprimer une quelconque sympathie. « Nous aussi on t’aime », lui lança Mantoni, sautant de l’arbre, avant de lui tapoter le dos. « Tu nous tiens au courant ? »
- Non, cette fois je ne vous tiens pas au courant de quoi que ce soit. C’est moi qui règle cette affaire, et vous, vous restez assis sur vos postérieurs à avoir l’air de grands enquêteurs. Et quand le maire me remettra une médaille, je dirai que c’est à vous que je dois tout ce que je sais, répondit-il sèchement, roulant les yeux au ciel. Allez, filez ! Et faites attention à ne pas abîmer ma scène avec vos mouvements disgracieux.
- Bien chef.
Ils tournèrent les talons, firent un petit signe à Hong, et retournèrent à la voiture.
lundi, juin 12, 2006
Arkham(11)
-« Salut, Grand Maître de l’argentique et du numérique. Entre donc dans le lieu sympathique où notre cinglé des entrepôts a décidé de refaire des siennes… »
-« Tu penses que c’est le même type. »
-« Oh, tu me connais, moi tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. N’empêche, il y a des tas de trucs qui me font pencher vers ce genre d’hypothèse : déjà, le type qui est en train de faisander sur le sol était un des habitants des entrepôts, et a priori même un taré courageux rechignerait à s’approcher d’une baraque dans laquelle il sait qu’il y a deux flics pour trucider un pauvre SDF. À moins d’avoir très peur de ce que ledit SDF pourrait raconter auxdits flics.»
-« Sans oublier, continua Geoff qui s’était penché pour ramasser la serviette, ce genre de petite chose… Une charmante petite bête comme ça, ça ne te dit rien ? »
Hong eut un léger mouvement de recul au moment où il découvrit ce qui restait du mille-pattes. Mais il se reprit très vite.
-« C’est une scolopendre. »
-« Gagné. Tu sais où j’ai vu un truc comme ça récemment ? » continua Geoff.
-« Sur un de tes superbes clichés, justement sur la scène du crime des entrepôts. Alors j’ai beau ne rien savoir, je vais quand même commencer à fouiller dans cette direction. » Hong la regardait avec un air sévère. Mantoni tira sur sa cigarette avant de lui décocher un grand sourire. « Mais, comme j’ai été formé par les meilleurs, je vais quand même vérifier ce que je pourrai sur notre ami infortuné. À toi. Qu’est-ce que tu peux nous dire pour l’instant ?»
Hong regarda autour de lui un long moment, prit quelques clichés. Puis il accrocha sa veste à une poignée de porte un peu plus loin, revint, et prit d’autres clichés.
-« Bon, alors on a le point d’entrée, la fenêtre, et le point de sortie, qui est le même. On ira voir en bas pour essayer de savoir comment il est monté. Je suppose que c’était un homme, vu la profondeur des plaies et l’angle descendant des blessures. Étant donné la taille de la victime, je n’exclurai cependant pas une femme, même de taille moyenne, pourvu qu’elle soit passablement musclée. Ça vaut d’ailleurs pour l’homme, il faut une sacrée force pour mettre un coup qui va jusqu’à l’os sur une victime se tenant debout. Surtout que l’arme n’était pas très effilée, comme en témoigne le côté plus déchiqueté que découpé des plaies. Pas de traces de pas visibles, quelques épines de sapin un peu partout, mais ça peut venir de n’importe qui et ne nous apprend pas grand-chose. Je ferai venir les gars du labo pour qu’ils m’aspirent tout ça, il y aura peut-être des fibres. J’aurai besoin d’échantillons de vos manteaux, pantalons, tout ça. L’arme du crime, donc, probablement une machette ou un objet semblable, relativement peu aiguisé. Le problème, c’est que l’angle des plaies ne semble pas cohérent avec cette hypothèse, surtout étant donné la taille de la pièce. »
-« Un hachoir de boucher, un truc comme ça ? » demanda Mantoni.
-« Ça aussi ça m’étonnerait. Je verrai ça mieux sous un microscope. À part ça, on fera un relevé des empreintes digitales, des fluides (ça nous servira déjà à voir si votre SDF est fiché). Et puis je comparerai les blessures à celles de nos cinq autres clients. À ce propos, j’ai quelques résultats intéressants. »
-« Surprends-nous. », l’invita Geoff.
-« Oui. Tout d’abord nous avons très peu avancé sur l’identité des sujets, mais nous avons encore une petite chance de les retrouver grâce aux dossiers dentaires. Pour l’instant on peut juste dire qu’aucun d’entre eux ne se fait soigner les dents à Arkham. Pour l’instant, on tourne un peu en rond de ce côté-là. Mais la vraie mauvaise nouvelle, c’est que les analyses d’ADN sont formelles, les cerveaux retrouvés près des corps n’allaient pas avec les corps en question. Et ça, ça veut dire… »
-« Qu’on n’a pas cinq cadavres sur les bras, mais dix », continuèrent Geoff et Mantoni, de concert.
-« J’en ai bien peur. Bon, allons faire un tour dehors. »
vendredi, juin 09, 2006
Used to it...
We changed. We didn’t mean to. We didn’t want to. But we did. It got complicated, but I guess all things do when they change. But hey, you get used to it. You get used to anything if you’re hungry. It wasn’t that hard, after awhile. Just going to the store, filling your cart. all wrapped in plastic, clean, hygienic. In your fridge, it gleams under the electric light. That kind of pinkish grey. That mother-of-pearl patina. Take it out, fry it, dispose of the package. Then go to bed, fuck, sleep. Maybe toss and turn for awhile, at least I used to at first. But hey, you get used to it. Even the ones working the slaughterhouses got used to it. They get up in the morning, they kiss their wives and kids, and that’s where they go. And when they come back nothing’s changed.
When it all started we would grab them off the street. That wasn’t very smart. I mean, no one was ready, no one understood. It was all so disorganized. We were hungry, maybe scared sometimes. Some of us did OK. One of my friends from work, he used to tell me he went to
In
The hunger made some of us pick the poor, the hunger made a few of us pick the rich. Takes one to catch one, they say… So you caught one of yours, whatever you were. You could go for the people closest to you, they never saw it coming : husband, wife, parents, kids, anything went back then. But you know, there are only so many spouses, parents, kids one can have. And besides, some didn’t like the idea when it was someone they knew : When they’re all gone, it gets lonely. But you get used to lonely too, I guess.
After awhile, we outnumbered them. Whatever it was that changed us, it worked better and better. And we realized we would have to aim for the long run. We couldn’t afford to lose them all. So we put them in camps. We pampered them, fed them, let them breed and get fat. As we watched them in their camps, we started to realize they weren’t that smart. In fact, they were kind of pathetic, actually. They were weak, and not very bright. They were no better than children, really. Pups. Once, they tried to escape, to revolt. So we took some of their privileges away. They weren’t allowed books anymore, or radio, or television. That was pretty dumb of them, revolting like that. And besides, thy had it better than some of us on the outside, having to work for a living. All they had to do was get fat. Some of them just stopped eating sometimes, so we force-fed them with tubes and proteins. They all got fat in the end.
These days, we don’t much think about them. We remember we have the
jeudi, juin 08, 2006
Vin Diesel : A Gamer
As some of you may know, I like Vin Diesel. I don't like hime because he was "XXX" or that guy that drives that penis...errr...car in The Fast and The Furious. No, I like Vin Diesel because he is a proud gamer. He came out in Conan O'Brien's show, too, which was respectable. Lately I found a motivational poster for RPG players (at this address). Enjoy !
mercredi, juin 07, 2006
Arkham(10)
Harry Stone était une vraie montagne. Mesurant près de deux mètres, large d’épaules, légèrement bedonnant, il n’aurait pas dépareillé dans un rassemblement de Hell’s Angels. Cette impressionnante carrure lui avait toujours évité les confrontations en tout genre, ce qui l’avait rendu particulièrement calme et posé en toute situation. Alors qu’il sortait doucement de l’évanouissement, il ressentait une confusion qui ne lui était pas coutumière. Non seulement on l’avait agressé physiquement, mais on l’avait maîtrisé en un clin d’œil. Habituellement, on faisait appel à lui pour calmer une situation, pour exercer une influence impressionnante certes, mais bienveillante. Pour éviter, justement, d’en venir aux mains. Et, ici et maintenant, il n’avait pas suffi. Il ouvrit les yeux, lentement, un mal de tête diffus commençant à lui broyer le crâne. Geoff et Mantoni étaient penchés sur lui, l’air inquiet.
-« Me regardez pas comme ça. Je suis pas encore bon pour le cimetière… »
-« Non, mais pour un scanner, sûrement, répondit Geoff, l’air malgré tout soulagé. Essaie de ne pas trop bouger, non seulement tu as peut-être des trucs cassés, mais en plus tu as affaibli le plancher et j’ai peur que tu passes à travers… »
-« Petit malin. »
Mantoni s’assit contre le mur, à quelques centimètres du cadavre de l’animal, auquel elle jeta un regard méprisant, puis demanda :
-« Tu te sens capable de discuter un peu de ce qui s’est passé ? »
-« Au niveau du crâne, ça va… Mais étant donné que je me suis fait assommer dans le même temps que j’ai entendu le bruit, je vais encore être inutile aujourd’hui… »
-« Ouais, ouais, inutile, crétin, bouh, bouh, bouh, que je suis malheureux et inutile et nul… Bon, quand t’auras fini de te lamenter tu pourras essayer de stimuler ton énorme boîte crânienne, s’il te plaît ? »
-« Ouais bon ça va. Il n’empêche que c’est vrai que j’ai rien vu ou presque. »
-« Alors commence par le presque. »
-« C’était un bossu… En tout cas, son manteau remontait bizarrement dans le dos. Et il portait un masque. Avec des mandibules. »
-« Bon, dit Geoff, on est au moins sûrs qu’il y a un lien avec nos mabouls. Reste à savoir pourquoi ils prendraient le risque de nous suivre jusqu’ici et de tuer Stan dans notre dos. »
-« C’était courageux. »
-« Et efficace, remarqua Harry, toujours un peu penaud. »
D’un commun accord, Geoff et Rebecca lui retournèrent un retentissant « Ta gueule ! ». Puis Geoff se leva : l’ambulance et l’équipe de Hong arrivaient.
Matthew Hong était un petit homme d’une quarantaine d’années. Toujours vêtu d’un blazer brun, les coudes recouverts de pièces de cuir (de dinosaure, sans doute, avait toujours supposé Geoff), et ne se déparant jamais d’une de ses nombreuses mallettes à photo, il donnait l’impression de perpétuellement fulminer. Il marchait excessivement vite pour un homme de sa taille mais, devant son air décidé, la plupart des obstacles vivants ou non semblait s’écarter de sa route. « Étrange, pensa Geoff en le regardant arriver, comme on peut se tromper sur les gens… » Lorsqu’il avait rencontré le technicien, il avait tout d’abord été frappé par son ton sec et ses déclarations sans équivoque. Il avait au départ eu beaucoup de mal à l’apprécier mais, à la « demande » de Mantoni (« Tu vas voir Hong et tu te tais. »), il avait été obligé de plusieurs fois travailler avec lui. Lors d’une enquête particulièrement sanglante sur laquelle ils avaient bossé tous les deux, ils avaient fini assez tard et s’étaient permis une bière fraîche sur l’une des quelconques terrasses de la faculté de médecine. C’était là, en devisant de tout et de rien avec Hong, que Geoff s’était aperçu qu’il s’était complètement trompé sur son compte : Il n’était pas, comme il l’avait d’abord pensé, une bête de travail insensible et imbue d’elle-même, mais un professionnel acharné croyant dur comme fer que son métier pouvait aider à rendre le monde un petit peu moins glauque. En se plongeant dans la misère, le sang et les larmes, Hong permettait au reste de la population de vivre sans avoir à y plonger elle aussi. Et ses manières peu orthodoxes étaient une manière de se protéger de la misère dans laquelle il baignait continuellement. Depuis ce jour, Geoff respectait énormément le photographe et, si leurs rapports ne pourraient jamais être qualifiés de cordiaux (le mot cordial même semblait saugrenu quand Hong était concerné), ils s’appréciaient mutuellement et travaillaient de manière extrêmement efficace. Il s’approcha pour lui serrer la main.
mardi, mai 16, 2006
Arkham(9)
lundi, mai 08, 2006
Arkham(8)
-« Tu es sous le charme… »
-« Plutôt, oui. Elle écluse du Pur Malt comme tu bois du café, elle a une santé d’acier, et elle est capable de soulever une pile d’ouvrages reliés cuir de deux mètres de haut sans même sourciller. »
-« Bon, je vois le personnage. »
Mantoni appréciait les présentations de Geoff. Il avait une intuition sur les gens qui s’avérait toujours en tout cas en partie correcte. Néanmoins, parfois, il lui semblait que plus elle désirait savoir ce qu’il savait, plus il faisait durer ses introductions. Elle s’alluma une cigarette en lui faisant signe de continuer.
-« Bref, tout ça pour dire que cette charmante dame, en plus de tout ça est sans doute LA spécialiste des cultes à moitié disparus et de leurs gribouillis occultes. Une sommité mondiale, avec plus de cinquante bouquins à son actif, et un gros, gros paquet d’articles. »
-« Impressionnant. »
-« Ouais. Donc on a de la chance à ce niveau-là. Malheureusement il y a un problème de taille. Ces trucs-là, elle les avait jamais vus. Inconnus au bataillon. Notre sommité sèche. »
-« Fait chier. »
-« C’est aussi ce que j’ai dit. Mais, et là on touche du doigt quelque chose d’utile, elle a posé les choses très différemment de ce qu’on s’imaginait. Ces symboles n’ont pas été récupérés par un malade qui a trippé dessus. Ils ont été créés par lui, ou eux. Mais ce n'est pas tout : La ou les personnes qui ont fait ça sont en tout cas des amateurs éclairés, ce qui veut dire qu'ils ont une connaissance des anciens cultes particulièrement étendue. Elle a commencé à me faire toute une théorie là-dessus, mais je me suis dit qu’il valait mieux qu’on soit là tous les deux quand elle nous ferait son topo. En plus elle avait besoin de farfouiller dans ses bouquins pour voir, parce qu’il y avait des tas de choses qui lui paraissaient familières. Apparemment, ces symboles représentent un culte nouveau mais qui a, comme les vieux qu’on connaît, des tas de ressemblances avec d’autres plus anciens. Bref tout ça pour te dire que demain nous sommes invités à une conférence privée de la Professeure Heather Finn à l’Université de Miskatonic. Je pense que tu vas bien t’amuser, mais peut-être pas autant qu’aujourd’hui.
-« Je suis vraiment obligée d’y aller ? »
-« J’en ai bien peur. Elle nous propose un angle très intéressant qui va évacuer un paquet de gens de notre liste de suspects. Et puis c’est pas tous les jours que notre boulot nous permet de rencontrer une telle pointure. »
-« Bon, puisqu’il le faut… Mais je te préviens, si ça dure trop longtemps je te laisse avec ta vieille scientifique et je retourne au bureau. »
-« Tout ce que tu voudras. Et notre petit gars, alors ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? »
-« Stan ? Tu en sais autant que moi. Je faisais une petite visite des entrepôts autour de la scène, la routine, et je tombe sur un petit groupe. Et au moment où je commence à leur parler, il arrive, et il se met à courir. J’ai suivi, tu me connais. Honnêtement, j’ai un peu honte. Je sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai vraiment eu l’impression qu’il pouvait nous apprendre quelque chose. »
-« On va voir ce qui se passe. Ça ne coûte rien de lui poser deux-trois questions et de le ramener chez lui. »
-« Tu sais ce que j’ai remarqué ? Il n’y a presque plus personne dans le quartier des entrepôts. Comme si quelqu’un avait fait le ménage. Tu sais ce que ça veut dire. »
Geoff hocha la tête, songeur. Une personne (ou un groupe) qui aurait réussi à se débarrasser des SDF avant de commettre un crime serait considérée comme extrêmement compétente. Mais aussi, et cela leur donnait un peu d’espoir, de particulièrement paranoïaque. Il y avait bien longtemps que la police d’Arkham n’écoutait plus les témoignages des habitants des entrepôts, les avocats de la défense comme les procureurs ayant jusqu’ici toujours réussi à discréditer leurs témoignages. Il se balança sur sa chaise, d’avant en arrière.
-« Qu’est-ce qui réussirait à faire peur à des gens qui n’ont rien ? »
-« Tu commences aussi à sentir quelque chose de pourri au royaume de Danemark ? »
-« Ouais. Va falloir qu’on avance vite sur ce coup… »
Mantoni écrasa sa cigarette. Stan devait avoir à peu près fini, et il avait peut-être quelque chose à leur apprendre. Il le fallait. Un bruit de verre qui se brise se fit entendre. Les deux flics bondirent sur leurs pieds et se précipitèrent en haut des escaliers.
Andy Brown éteignit la télé. Ils étaient nuls les cartoons cet après-midi. Il soupira, et se dirigea vers la cuisine. L’horloge sur le four indiquait quatre heures et demie, Maman et Papa seraient là d’ici une petite heure. Il avait des devoirs à terminer, mais il n’en avait que pour cinq minutes. Il allait les finir avec Papa, et voilà ! Il prit un gobelet qui séchait sur le rebord de l’évier, et se remplit un grand verre de Coca. Les petites bulles résonnaient à travers le plastique. Il aimait bien ça. Il prit un second gobelet et le remplit puis, précautionneusement pour ne pas avoir à éponger du Coca toute la soirée, il se dirigea vers la chambre de son frère Michael. Celui-ci jouait à la console. Il s’empara du verre de Coca que lui tendait son frère et lui frotta la tête avec sa main.
-« Eh ben, ‘Dy, tu t’ennuies ? Tu veux jouer à un truc avec moi ? »
-« Bof… dit Andy, j’aimerais mieux aller jouer dehors. »
-« Tu peux y aller si tu restes dans le lotissement. Ou alors tu peux attendre que je trouve une sauvegarde et on ira en ville tous les deux. »
-« Cool ! »
Michael avait seize ans, et, contrairement aux grands frères de tous les copains d’Andy, avait toujours un peu de temps à lui consacrer. Andy s’assit et regarda un moment son frère jouer. Un bruit dans l’entrée. Peut-être Papa et Maman qui rentraient plus tôt. Les deux garçons sortirent de la chambre. Étrange… Ils les auraient entendus discuter. Michael fronça les sourcils. On aurait bien dit la porte, pourtant. Ils tendirent l’oreille. Plus rien. Quoique. Il y avait comme un cliquetis derrière la porte, comme si quelqu’un tapait légèrement de l’ongle… Michael leva la voix : « J’appelle les flics, bâtard ! ». Il avait parlé avec sa meilleure voix de racaille, qui faisait tellement rire Andy. Soudain, le cliquetis se tut. « Bizarre, dit Andy ». Il avait un petit peu peur. Son frère lui serra gentiment l’épaule : « T’en fais pas. Ils sont partis, quoi. » Il avait de nouveau parlé avec sa voix de racaille. Andy éclata de rire. « Bon, allez, mets tes chaussures, on va aller manger une glace. » Andy s’exécuta. Michael vérifia ses lacets. Alors qu’ils sortaient de l’appartement, deux chiffons chloroformés furent plaqués sur leurs visages...
lundi, mai 01, 2006
Arkham(7)
-« Tu sais ce que les huiles ont dit la dernière fois, reprit-il, d’un ton un peu anxieux. »
-« Que veux-tu, reprit-elle, j’aime bien que mes clients répondent quand je leur pose des questions… »
-« Si tu penses que c’est nécessaire… »
-« Appelle Hong et dis-lui qu’on ne sera pas chez lui avant un bon moment, dit-elle en se retournant pour lancer à l’homme un sourire carnassier. »
Tandis que Geoff s’exécutait, promettant à Hong de venir au moment exact où ils auraient terminé, et s'empressant de couper la communication avant d’entendre les récriminations sans fin du scientifique, Mantoni éloigna la voiture du centre ville, et partit vers la banlieue. La tension à l’intérieur du véhicule était palpable, leur prisonnier se montrant toujours aussi peu loquace mais de plus en plus agité. Il s’était même retourné un instant vers Geoff, les yeux implorants. Geoff lui rendit un regard neutre, presque contrit : « Mon vieux, j’aimerais bien, mais comprenez-moi, c’est elle qui commande». Il en profita pour étudier d’un peu plus près les traits de l’homme : il lui semblait assez jeune, guère plus de 30 ans, ce qui excluait l’hypothèse du drogué ou de l’alcoolique de longue date, ces deux types de personnes paraissant cinquantenaires quels que soient leurs âges, surtout dans la communauté sans domicile. Ses yeux étaient d’un noir très profond, se confondant presque avec la pupille. Ses traits étaient tirés ; ses dents, pas encore ravagées. Mais ce qui se lisait le plus sur son visage, c’était la peur. Une peur panique, une peur réalisée, une peur quasiment inhumaine, tellement elle le faisait ressembler à un animal blessé. Geoff se demanda ce qui avait pu lui arriver, ce qu’il avait pu voir dans sa vie pour craindre quelque chose à ce point.
Ils étaient finalement arrivés. Hors de la ville s’étendaient des bois de conifères sur plusieurs kilomètres carré, et Mantoni avait trouvé une petite aire de parking proche d’une cabane de bûcheron. L’homme quitta Geoff des yeux pour voir ce qui se passait, et essayer de découvrir où ils étaient. Mantoni coupa le contact, descendit, et ouvrit à Geoff. « Prends le groupe électrogène dans le coffre… La pelle aussi...» Geoff sortit et se dirigea vers l’arrière de la voiture. Reb était une grande cinglée par fois, mais elle obtenait presque toujours des résultats. Il prit la pelle dans le coffre, guettant les réactions de l’homme qui les observait tous deux, incrédule. Mantoni ouvrit la porte et détacha les menottes. « Bien, mon brave monsieur, je pense que vous savez pourquoi nous sommes ici, dit-elle, toujours avec ce même sourire de loup. Vous m’avez beaucoup donné de peine, et je me dois de donner un exemple ». Sous sa poigne de fer, l’homme commençait à se tortiller, mais rien ni personne ne pouvait échapper à Mantoni lorsqu’elle l’avait décidé. Elle ficha ses yeux dans ceux de son prisonnier et lui demanda d’une voix dure : « Pourquoi vous êtes-vous enfui ? ». Silence. Mantoni réitéra. L’homme semblait déchiré par un conflit intérieur d’une force inouïe. Il semblait à la fois vouloir tout raconter, en finir avec cette improbable situation, ces flics cinglés, ce coin de forêt perdu, l’homme à la pelle, mais aussi échapper à un destin que Geoff et Mantoni devinaient funeste, cauchemardesque, intolérable. Elle fit un signe à son équipier, et tirant l’homme derrière elle, l’entraîna en direction de la cabane. Geoff frappa. Des pas lourds se firent entendre. La porte s’ouvrit, et un homme gigantesque sortit :
-« Eh ben les jeunes, qu’est-ce que vous m’amenez là ? »
Mantoni confia le sans domicile à Geoff, et prit le géant à part :
-« Un type qui a besoin d’un bain chaud et de fringues. Dans un coin sans trop d’issues. Disons que j’aimerais beaucoup discuter avec ce brave homme, et que j’espère le mettre suffisamment en confiance pour qu’il me renseigne sur des trucs louches. Je te passe les détails ».
-« T’as bien fait de me l’amener. Tu penses qu’on le recherche ? Faut que je passe en état d’alerte ? »
-« Non, je ne pense pas. »
Elle fit signe à Geoff d’approcher, et lança « Je t’ai rapporté ta pelle et ton groupe électrogène. » Ils entrèrent dans la cabane. « Je vous présente Harry Stone, dit-elle au sans-abri, complètement éberlué, mais qui semblait s’être détendu un peu. Il va vous indiquer où vous pourrez vous débarbouiller un peu et vous filer des frusques un peu moins décaties. Ensuite, on parlera un moment, on vous ramènera, et vous serez libre de faire ce que vous voulez. Vous avez un nom ?» Le petit homme lâcha, d’une voix qui était presque un murmure : « Stan. »
-« Je peux vous faire confiance, Stan ? »
-« Je partirai pas. »
Harry le prit par le bras, et l’entraîna à l’étage. Mantoni et Hart se dirigèrent vers le salon et s’assirent.
-« Alors, qu’est-ce que tu as appris auprès de notre éminente scientifique ? demanda-t-elle. »
vendredi, avril 28, 2006
Quickie english update
On another completely different subject, remember Vermine ? It's linked somewhere on this very site, and some of you may have had a look at it. Well, as a GM, I was a bit frightened by the universe (I would like, with this particular game, to create a playground for my players that they are entirely free to explore and act in with a lot of freedom, which means that I have to become a better GM), which led me to procrastinate quite a bit before even character creation. As of last Wednesday, my proud and talented players have built their group and their characters, and our first actual game is set to next Thursday. It's all starting to click into place now that I have a clearer idea about what my friendies seem to want from it, and it may shape up to be a very good experience.
Finally, for those of you who are eager to know more about the mysteries of Arkham, I promise I will try to continue the story next week, when things turn less hectic. Sorry about the delay, gang ! It is now time for me to bid you all goodnight.
mardi, avril 11, 2006
Arkham (6)
Tentant le tout pour le tout, Mantoni accéléra encore, puis se jeta en avant sur l’homme, le ceinturant de ses deux bras. Tous deux roulèrent à terre. Le petit homme se débattait tant et plus, la repoussant de toutes la force de ses jambes. Il finit par lui heurter le menton d’un coup de pied. Surprise, elle cessa une fraction de seconde de l’agripper, ce qui lui permit de se remettre sur pied avant de repartir de plus belle. Mantoni, un peu vexée, mais toujours ravie, se leva à son tour et se remit à courir. Il était clair que l’homme était à bout de forces. Elle le suivit facilement jusqu’à la rue, restant au plus près de lui, mais ne tentant rien pour l’instant, profitant de cette occasion de se défouler. Alors qu’ils arrivaient tous les deux à la hauteur de l’entrée du bâtiment des Sciences Humaines, une voix lui parvint : « Allez patronne, on arrête de jouer avec le petit monsieur ! ». Geoff, ne la connaissant que trop, ne serait jamais physiquement intervenu dans une poursuite. Le petit homme lui était passé devant sans même qu’il n’esquisse le moindre mouvement. « J’arrive ! dit Mantoni, lui faisant un petit signe signifiant que tout allait bien. » Elle redoubla de vitesse, et se retrouva quasiment à la hauteur de sa proie.
Finalement, presque à regret, elle lui saisit le bras d’une poigne de fer. Le petit homme plongea dans ses yeux un regard terrifié. Elle le força à ralentir, soutenant son regard, tentant de le rassurer. Elle n’avait après tout aucune raison de le soupçonner de quoi que ce soit, et elle essaya de le lui faire sentir. Elle entendait sa respiration saccadée, sentait son pouls dans tout son bras. Il allait finir par mourir sous l’effort. Elle s’arrêta brusquement, resserrant son étreinte. L’homme hésitait. Il ralentit, mais Mantoni eut la nette impression qu’il aurait suffi d’une faiblesse pour qu’il reparte de plus belle, tel un animal pris au piège. Elle ne lui en laissa pas l’occasion. Elle le tira par le bras en direction de Geoff, qui attendait près de sa voiture, fumant une cigarette. Elle reprit son souffle, calmement, sûrement, et installa l’homme à l’arrière de la voiture. Il n’avait pas dit un mot. Geoff lui alluma une cigarette :
-« Dis-moi que ce type n’est pas notre génie du crime… »
-« Aucune chance. En fait je l’ai juste trouvé un peu louche. »
-« Louche ? Si ça se trouve c’était juste un type en train de faire son petit footing du matin. Tu sais ce qui t’est arrivé la dernière fois… »
-« Je crois pas. C’est probablement un pauvre type un peu cinglé qui a pris peur en voyant débarquer les poulets. »
-« Remarque, tu peux être particulièrement impressionnante, quand tu veux. »
-« Ouais. Mais là je suis pas sûre qu’il a bien remarqué ma stature de déesse grecque. Il y un truc de pas net qui se passe dans les entrepôts. Un truc qui fait peur aux clochards. Pas seulement les descentes, pas seulement les racailles, un truc plus profond… »
-« Et tu as une idée de ce que ça peut être ? »
-« J’en sais rien… J’en sais rien. Mais il va falloir qu’on creuse un peu profond là-dedans, parce que je n’aime pas du tout la tournure que prennent les événements. »
lundi, avril 03, 2006
Arkham (5)
Elle se dirigea vers le quartier universitaire. Les rues, ici, étaient larges et pavées, et bien peu de voitures circulaient. Elle croisa plusieurs petits groupes d’étudiants, rentrant des cours ou se dirigeant vers l’une des nombreuses terrasses de la rue, mais, concentrée comme elle l’était, elle les remarqua à peine. Les mains dans les poches, avançant d’un air décidé, elle avait tendance à suffisamment impressionner les passants pour ne jamais avoir à ralentir. Enfermée comme elle l’avait été dans son bureau pendant une matinée entière, elle n’aurait toléré aucune interruption. Elle fulminait intérieurement. Qui étaient ces gens ? Qu’est-ce qu’ils avaient dans le crâne ? Est-ce qu’ils allaient recommencer ? Est-ce qu’ils allaient faire une erreur ? Combien étaient-ils ? Un jeune homme seul manqua de lui rentrer dedans. Il était mignon dans le style jeune premier plein de fric, et, sans doute habitué à tout régler d’un sourire, lui fit miroiter ses dents trop blanches. Elle continua sans s’arrêter, en lui balançant un malencontreux coup de genou dans une cuisse. Le sourire se crispa. « Connasse », il avait dit, sans doute surpris de ne pas avoir fait son petit effet. Elle s’arrêta. Il avait repris sa route. « Protéger et servir, protéger et servir, protéger et servir… » Elle prit une grande inspiration. Elle hésita une fraction de seconde. Puis reprit son chemin d’un pas encore plus déterminé.
Elle arrivait à l’entrepôt lorsque son téléphone sonna. Hong avait les résultats des analyses de traces. Elle lui promit de passer avec Geoff dès qu’ils auraient fini leurs boulots respectifs, et demanda à celui-ci de la rejoindre quand il aurait terminé. Les entrepôts proches de Miskatonic avaient, il y a très longtemps, servi de stocks pour les pêcheurs d’Arkham et des alentours, puis, plus tard, à la faculté d’ethnologie, qui avait financé plusieurs expéditions, dans les Caraïbes notamment. Elle fit le tour des entrepôts, commençant par les plus proches de la scène. Pas un bruit, pas un signe de vie, ce qui était normal, les squatters restant la plupart du temps discrets. Elle pénétra dans celui qui jouxtait l’entrepôt numéro 8, où les corps avaient été disposés. Les fenêtres étaient recouvertes d’une couche de poussière impressionnante, mais le soleil était suffisamment fort pour ne pas qu’elle sorte sa torche. Elle fit le tour, enjambant les restes de vieilles caisses de bois pourri, les seringues et les mégots de joints. Personne. Personne, et, ce qui était plus étonnant, pas de traces de passage récentes. Les entrepôts, tous les entrepôts étaient régulièrement investis par des logeurs sans le sou, qui profitaient justement de l’immense place pour s’installer à l’écart les uns des autres, limitant ainsi les conflits. Ce lieu semblait figé, et il y régnait comme une aura de menace. Elle scruta les lieux de plus belle, mais l’impression demeura : Personne n’avait squatté ici depuis au moins deux mois, elle en aurait mis sa main au feu. Et ça, ça voulait dire que soit les SDF avaient trouvé mieux pour s’installer, et moins cher, soit que le crime avait été encore plus soigneusement préparé qu’elle l’avait imaginé. Elle sorti de l’entrepôt et passa au suivant, s’éloignant le moins possible. Ici non plus il n’y avait pas de traces, pas de marques suggérant la vie. Pas de vieilles boîtes de conserve encore humide, pas de couvertures, rien… Mantoni continua son exploration des entrepôts environnants. Tout semblait suggérer que la scène du crime avait été, plusieurs mois auparavant, entourée d’une zone interdite. Quelqu’un avait pris les mesures nécessaires pour ne pas avoir de témoins, ce qui suggérait un ou des tueurs particulièrement organisés. Elle sortit du complexe des entrepôts, décidée à trouver quelqu’un qui saurait lui dire ce qui s’était passé, pourquoi la population de sans-abri avait soudain déserté un bon quart de son territoire, et s’il y avait malgré tout un seul putain de témoin de quoi que ce soit. Elle commença à réfléchir, à élaborer des pistes, des hypothèses, des scénarios. Quelque chose se tramait ici, quelque chose de dérangeant. Un sentiment d’euphorie mêlée de rage commença à l’envahir, et elle sentit se dessiner sur son visage un sourire carnassier. Elle était tendue à se rompre, tous ses sens en éveil. Elle reprit sa marche en direction des entrepôts les plus éloignés.
Arrivée à celui qui se trouvait le plus près de la mer, elle ouvrit la porte avec fracas. Elle attendit que les bruits de pas affolés se calment avant de pénétrer dans l’entrepôt, puis se dirigea vers le centre de la grande pièce. « Police, Messieurs-Dames, et que je ne voie pas d’énervés s’il vous plaît, j’ai les nerfs ! Je viens pas vous déloger, ni voir ce que vous fumez, je veux juste des putains de réponses à mes putains de questions ! Y aura peut-être un peu de sous à récolter pour les plus bavards. Approchez, approchez ! On s’approche et on discute, et on énerve pas la gentille inspectrice ! ». Elle attendit. Des paroles étouffées lui parvenaient, ils étaient en grande discussion. Soudain, elle perçut un mouvement derrière elle. Un petit homme malingre était entré dans l’entrepôt, et avait aussitôt pris la fuite. Merde ! Il n’y avait que deux genres de types pour s’enfuir comme ça : les paranoïaques, et ceux qui avaient peur pour toutes les bonnes raisons. Sans hésiter, Mantoni se lança à sa poursuite.
lundi, mars 27, 2006
Arkham (4)
Un bruit derrière lui le réveilla en sursaut, un craquement de branche. Un chien, sans doute. Steve s’étira, et se redressa un peu sur le banc. Regardant sa montre, il s’aperçut qu’il avait dormi une bonne heure. Il regarda autour de lui : le square était désert, les enfants n’étaient pas encore sortis de l’école. Il se retourna, pensant flatter le chien qui l’avait réveillé. Ce qu’il vit en se retournant vers le buisson le terrorisa, mais le chiffon chloroformé qui lui bloqua la bouche coupa son cri avant qu’il ne puisse franchir ses lèvres.
Cindy Ratchett, contrairement à ce que pouvait laisser penser son prénom, n’était ni une ingénue, ni un top model. C’était une jeune femme grande et athlétique, affublé d’un nom caricatural (qu’elle avait, par ailleurs toujours détesté). Elle travaillait comme informaticienne dans une grande boîte chargée de faire de la publicité pour plusieurs grandes marques, et elle était, comme en tout ce qu’elle entreprenait, l’une des meilleures. Elle avait la rage, elle avait la classe, elle allait vite, et elle filait droit. Et elle se rendait en ce moment à sa voiture après une journée de totale efficacité professionnelle. Elle était même partie un peu plus tôt que ses collègues et, seule dans le sombre parking souterrain, elle marchait vite, très vite. Non pas qu’elle eût peur (elle était ceinture noire de Krav-Maga), mais elle avait toutes les raisons de se presser : Son mari, Pete, instituteur, était sans doute aux fourneaux depuis le milieu de l’après-midi. Il lui avait promis des tournedos Rossini et un de ses génialissimes gratins dauphinois, et elle marchait vite pour pouvoir profiter des délicieuses odeurs de sa cuisine. Il fallait qu’elle aille chercher du vin, un Bordeaux probablement. Elle atteint sa voiture en un rien de temps, et se glissa derrière le volant. Elle n’eut pas le temps d’enfoncer la clé dans la serrure, ni même de se retourner, avant qu’un chiffon tenu par une main gantée ne se referme sur sa bouche. L’odeur de chloroforme l’assaillit immédiatement, mais elle parvient à s’arracher à l’emprise sans trop de peine. Sa tête commençait à lui faire mal, mais elle usa de toute sa volonté pour sortir de la voiture, et à courir en direction de l’ascenseur. Un coup fulgurant la jeta au sol. Sa respiration fut coupée, tous ses membres endoloris. Un Taser ! L’enfoiré l’avait électrocutée. Elle se concentra un maximum, banda tous ses muscles, et parvint à se remettre debout, mais tomba nez à nez avec son assaillant, qui plaqua à nouveau son chiffon sur son visage. À travers ses larmes de rage, Cindy aperçut enfin le visage de son agresseur. Elle accueillit le trou noir de l'inconscience comme une bénédiction.
mardi, mars 21, 2006
Arkham (3)
- « Bonjour, Monsieur Hart, je suppose ? » dit-elle avec une voix à la fois autoritaire et chaude.
- « Appelez-moi Geoffrey, Professeur », répondit Geoff, en lui rendant sa main.
- « Professeur, c’est un peu formel. On va passer directement aux prénoms, d’accord ? On sera plus à l’aise, on aura l’air moins vieux, et j’aurais moins l’air de vouloir faire comme les collègues. Que puis-je pour vous, mon cher Geoffrey ? Puis-je vous offrir un thé ? J’ai bien peur de n’avoir rien d’autre à vous proposer, en tout cas sans alcool… À votre air très professionnel je suppose que vous êtes du genre ‘jamais pendant le service’… Ce qui n’est pas un mal. J’ai un mari qui est mort de ne pas avoir suivi cette ligne de conduite : il était archéologue, une tombe piégée, un bloc de pierre, enfin je vous passe les détails. Du thé, donc ?»
- « Volontiers », répondit Geoff, un léger sourire aux lèvres.
Elle lui fit signe d’aller s’asseoir dans l’un des petits fauteuils et s’affaira sur une petite bouilloire derrière son bureau. En passant, Geoff jeta un œil au coffret de bois posé sur le piédestal. Il contenait un énorme grimoire, ouvert à une page représentant un corps d’homme réalisé avec une grande minutie, mais affreusement déchiqueté, coupé, brisé, écorché de toutes les manières possibles. Chaque blessure était accompagnée d’une légende. On aurait dit un manuel de médecine du XVIIe siècle, mais comme détourné de toute velléité de soins. Comme si le livre était un manuel de mutilation et de torture. Les gravures lui firent froid dans le dos.
« Ah, je vois que vous regardez mon Necronomicon ! Plutôt réussi, n’est-ce pas ? On raconte que les serviteurs des Grands Anciens s’en servaient lors de leurs rituels impies pour réveiller leurs grosses bébêtes. Si on arrive à le déchiffrer, on doit pouvoir faire de la magie et invoquer toutes sortes de créatures monstrueuses. Enfin, si l’on ne devient pas complètement fou. On entend tout et n’importe quoi sur ce livre. Pouvoir infini, fortune et gloire, tout ça. Malheureusement, personne n’a jamais prouvé son existence. Celui que vous voyez n’est pas vraiment un faux, et il est parfaitement conservé, mais il n’a de valeur que pour les historiens, et plus par rapport aux techniques de gravure qu’au contenu, plutôt ennuyeux, d’ailleurs. Je le garde parce qu’il vaut très cher, et pour me rappeler que le vrai, malgré toutes nos avancées techniques, est plus flou qu’on ne le pense. »
Geoff sortit de sa poche les reproductions des symboles trouvés sur la scène du crime. Lorsqu’elle revint s’asseoir près de lui, lui passant son thé, il avait disposé les papiers sur la petite table, et s’était assis sur un des fauteuils, particulièrement confortables.
« Je vous ai mis sur cette table des symboles trouvés sur une scène de crime. Il y avait une certaine logique dans la disposition de la scène qui nous a fait penser à des meurtres en rapport avec l’occulte. »
Le premier des dessins représentait une sorte de mille-pattes stylisé, enroulé autour d’un disque. Finn se pencha dessus pendant un moment, pensive. Puis elle se saisit du suivant. Il représentait un homme agenouillé devant une masse protoplasmique et grotesque rappelant un crabe, ou peut-être un scorpion. Elle le fixa intensément, ne le quittant des yeux que pour boire une gorgée de thé. Elle le reposa enfin pour passer au dernier dessin, une sorte d’éclipse solaire. Geoff, patient, sirota son infusion en regardant le ciel par la grande fenêtre derrière le bureau. L’automne ne faisait que commencer, et le soleil brillait encore dans un ciel sans nuages.
lundi, mars 20, 2006
Arkham (2)
lundi, mars 13, 2006
Arkham (1)
dimanche, février 26, 2006
Morceaux choisis (2)
lundi, février 20, 2006
Reprise de Donj'
Pour le bourrinage : Rebecca, as Xelana : humaine, guerrière, elle a démarré la partie avec 4 dons, une épée large, et une batte de base-ball en alu, ainsi qu'une sympathique petite armure de microtoile. Elodie, en Ranger (au regard d'acier, bien entendu), capable de balancer des flêches comme s'il en pleuvait, ainsi que d'assurer presque aussi bien que la bourrine au corps-à-corps, une étoile montante à n'en pas douter (c'est aussi un elfe... no comment). Rayon magie de combat, c'est à une jeune et talentueuse Halfeline qu'il faut s'adresser : Frêle, mais dotée d'un énorme ciboulot (métaphoriquement parlant, bien entendu, sinon ses jambes ne supporteraient pas), la charmante Alania Gandja, bientôt sublimement interprétée par la somptueuse Valérie nous soutiendra de ses gros sorts bourrins. Pour le côté plus printanier, le nain Mestiful "le Divin" nous soutiendra de ses nombreuses facultés curatives, ainsi que du sourire inoubliable de son créateur, le sexy Jojo, jeune premier ayant déjà été remarqué pour sa prestation dans Les Feux de l'Amour (rappelez-vous, c'était lui, "Client du restaurant numéro 3" dans l'épisode 2056). Cette fière équipe ne saurait être complète sans un meneur, véritable sex-machine, et aventurier hors-pair, mais rassurez-vous, Edward "Jazzy F" Stahleene est là. Sous ses airs de Halfelin dévergondé se cache un grand professionnel, doublé d'un voleur confirmé, capable de délicieuses Sneak Attacks à +2d6, ainsi que d'une panoplie de skills très utiles dans cet environnement terrible. Joué par votre serviteur, "Jazzy F" Stahleene est prêt à mettre le feu quelles que soient les circonstances. (Si avec un pitch comme ça notre équipe n'est pas sponsorisée tout de suite ou presque...) Bref, de bonnes parties en perspective. Je me demande déjà à quelle sauce nous allons être mangés, quels adversaires nous attendent, et tout et tout. Je me réjouis d'avance d'engranger les XP et les PO sans lesquels il n'est pas de bonheur possible.
Le pire dans tout ça...
Les barrières tombent dans un grand fracas, et c'est l'hystérie dans le camp. J'arrive près de l'entrée, et les autres ont grimpé sur les cadavres des premiers pour y pénétrer. Pour des mateurs, les survivants se sont pas mal défendus, un vrai carnage ! Tiens, d'ailleurs, je reconnais la fille sur qui j'avais trébuché. Un trou de 10 centimètres de diamètre dans le crâne, elle ne grognera plus sur personne. Dommage, elle avait l'air sympa. J'ai un peu de mal à poursuivre les plus pressés, ma jambe droite s'est brisée net lorsque je suis mort en montagne, et elle ne tient plus que par un lambeau de chair qui pourrit de plus en plus. J'hume l'air, ça sent le sang, sans aucun doute. Et la chair. J'ai appris à reconnaître tout ça, depuis l'accident. Nous sommes efficaces : nous sentons les vivants, de loin, nous devinons leur taille, leur état de santé, leur peur aussi. Nous ne connaissons même pas vraiment la faim, nous percevons et allons consommer, c'est un réflexe, même pas une envie. Encore moins un besoin : nous ne mourons pas de faim, nous ne pouvons pas mourir. Mais ce n'est pas le pire.
Une petite cabane de tôle, éloignée du gros de la horde, une petite silhouette dedans. Probablement un adolescent, peut-être un môme. Même les grands sont petits de nos jours. Ils n'ont pas assez à manger, leur croissance est erratique, ils sont voûtés, difformes. Ils nous ressemblent un peu. D'un geste, j'arrache la porte. Elle est là, acculée contre le mur, terrorisée. Une déflagration, je tombe. Elle m'a tiré dessus. Colt .45. La jambe gauche, forcément. Je me retourne, et je la vois derrière moi, dégoulinant un sang noir et poisseux. Je commence à ramper, mais elle me fauche encore une fois : c'est un bras, cette fois. Le droit. J'arrive quand même à m'approcher, m'approcher... mais elle me fauche l'autre bras... En poussant sur mon presque moignon, j'arrive à franchir les quelques mètres qui restent. Elle hurle, et finit de me démembrer. Je ne peux plus bouger. Elle finit par me mettre une balle dans le torse, qui ne me fait absolument rien, puis elle saute par-dessus ma carcasse et se dirige vers la porte. Je me retourne tant bien que mal vers la porte, la suit du regard. A peine a-t-elle franchi le seuil qu'elle est attrappée par un petit, qui lui mord immédiatement la hanche, en la faisant tomber au sol. Elle hurle quelques instants, son sang se répand sur le sol, et ensuite on ne l'entend plus. D'autres l'ont sentie, se sont approchés d'elle et commencent à la déchiqueter de leurs griffes, de leurs crocs. Il ne restera pas suffisamment d'elle pour se relever. Autour de nous les cris se font plus rares. Le calme revient progressivement. La horde se regroupe, et hume l'air : il y a peut-être des survivants vers l'est. Tout le monde va se remettre en route, mais moi je reste ici. Nous ne faisons pas de sentiments, nous avançons, de gauche, de droite, au gré du vent, du hasard. Nous ne montrons pas de compassion, de pitié, ni de colère ou de peur. Mais ce n'est pas le pire : le pire, c'est que nous sentons ces choses. Ou en tout cas je les sens encore, moins qu'avant, mais je me suis habitué. Je ressens toute l'horreur de ces corps mutilés, de ces êtres broyés, j'essaie de retenir mes coups, mais rien n'y fait. Le pire dans tout ça, c'est que je suis encore dans ma carapace de mort, enchaîné à cette coquille immonde. Je suis ici, dans cette cabane de tôle, bel et bien ici, à me demander si je deviendrai complètement fou d'ennui avant qu'on m'achève.