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lundi, juin 11, 2007

Mes chers compatriotes, mes chères compatriotes,

Nous voici donc, à la lumière des législatives, à l’aube d’une jolie période qu’on nous annonce, comme le dit le Grand Intellectuel Enrico Macias, « Rien que du bleu, rien que de bleu ». Bon. Rien que du bleu. C’est cool, le bleu, c’est le ciel, c’est les M’n’M’s bleus, c’est le curaçao, c’est le jeans aussi. C’est cool les jeans. Les M’n’M’s on en parle même pas, surtout les bleus. Bon, bon. Mais c’est pas forcément ce bleu-là qu’on va avoir chez nous en immense majorité. Chez nous, le bleu va avoir le goût de la défaite. Il va avoir l’odeur du pognon. Il va sonner comme Johnny et Doc Gynéco, comme Mireille Mathieu, aussi. Il va avoir les jolies images de la télévision. Il va avoir la douceur du velours et de la soie pour les uns, la dureté du kevlar et du béton pour les autres.
On a un peu les jetons. C’est facile, « on a ». J’ai un peu les jetons, en fait. D’un autre côté, j’imagine que ça va être bien ! Après tout, j’ai entendu à la radio une dame qui disait qu’avec notre nouveau Président, la situation, scandaleuse, oui scandaleuse ! qui voyait son plus jeune fils tutoyer son instituteur n’a plus aucune chance de se produire ! Youpi ? Mais oui youpi ! Plus de tutoiement des instituteurs, plus de tutoiement des assistants à l’Uni non plus, là j’aurai de l’Autorité, quand mes étudiants ne me diront plus « tu », quand mes étudiants n’oseront plus répondre à mes questionnaires d’évaluation « J’aimerais qu’il s’habille mieux » (à la quasi-unanimité), quand le petit jeune avec qui l’autre jour j’ai débattu sur le réductionnisme boira juste mes paroles comme la Vérité qui vient forcément de ma bouche, puisque je suis, comme les valeurs prônées par la droite depuis qu’elle existe ou presque, au-dessus. J’ai un statut. Je dois respect et obéissance à mon patron, certes. Mais je suis aussi dans le corps intermédiaire. C’est comme ça qu’on nous appelle, les assistants, j’imagine que nos corps sont ni trop maigres, ni trop gros, intermédiaires, quoi. A moins que ce soit une question de hiérarchie. On a un patron, mais on est des profs, un peu, aussi. On en apprend tous les jours, mais on enseigne aussi à d’autres. Moralité de cette géographie sociale un peu rapide : les valeurs, celles de cette dame en tout cas, elles vont me protéger. Elles vont me donner la Force, elles vont me donner la Légitimité, Elles vont me donner, n’ayons pas peur des mots, l’Autorité. Fini le besoin de respect envers mes ouailles, plus besoin ! Finies, les questions du genre : « Vous avez trouvé autre chose, vous ? ». A partir du Bleu Infini, ce sera « J’m’en fous ». Et je m’en réjouis. Je m’en réjouis parce que je préfère qu’on ne me contredise pas, je préfère qu’on ne me coupe pas, je préfère qu’on m’écoute, avec Respect.
Avec le retour aux Valeurs, on dit n’importe quoi. Le retour aux Valeurs, c’est une valise dans laquelle on peut mettre le droit à la vie, le droit à la mort, le droit à la paresse, le droit des femmes à disposer de leur corps, le patriotisme triomphaliste, la ségrégation stricte des races, des classes, l’aliénation obligatoire, le contrôle policier totalitaire, la Discipline comme premier principe, yadda, yadda, yadda (parce qu’aujourd’hui moi aussi j’ai envie d’être ethnique). Mais heureusement on choisira avec notre Président les Bonnes Valeurs. Il les choisira pour nous. Et celles qui ne passent pas, que je propose d’appeler les valeurs baskettes (« Non, désolé, pas d’baskettes »). (En plus d’être ethnique, je fais dans le néologisme).
Tout le monde (enfin, tout ceux qu’on entend) dit : depuis la chute du mur, c’est la fin des idéologies. Peut-être que c’est ça, aussi, qui fait peur à tout le monde. L’insécurité que tout le monde croit voir partout, c’est peut-être juste la peur de ne plus vivre dans l’époque des idées, la peur de ne plus avoir rien à faire, la peur de ne plus avoir à lutter, pour soi ou pour les autres, la peur de l’ennui en fait. Ca, je connais. La peur de l’ennui, c’est celle qui me fait prendre un livre, une manette de PlayStation, un DVD, etc. dès que je sens que j’ai dix secondes devant moi. Je connais, je comprends, je suis prêt à pardonner. Oui, là je voudrais préciser un truc : je suis prêt à pardonner aux connes, aux cons, qui ont voté Jeans’n’Johnny, et qui s’apprêtent à le refaire allégrement dimanche prochain. Je suis prêt à pardonner aux connes, aux cons qui n’ont pas voté en mai et/ou qui n’ont pas voté dimanche. C’est pas entièrement leur faute. On les a roulé dans la farine. On leur a menti. Bon, le plus flagrant ces temps-ci, c’est les démentis sur un certain appartement à Neuilly, c’est les retards du chiffre officiel de chômage, malgré les récriminations même de ceux qui les produisent, et du rapport sur la police dans le 9-3, mais ça ne s’arrête pas là. On leur a dit que « quand même, quelqu’un qui se fait autant taper dessus MERITE d’être élu, parce que quand même le pauvre… » Ce genre de truc, soit dit en passant, me fait bien rire : Ca fait des années que la politique française me creuse l’ulcère, et personne ne vote pour moi… Je suis, nous sommes de la génération 80, à peu de choses près. C’est pendant les années 80 que nous nous sommes éveillés au monde, que la cartographie à l’intérieur de nos chères têtes blondes (ou Jaunes, ou Noires, ou de vos couleurs à vous, chers amis, chères amies) s’est dessinée. Et à l’époque on était déjà dans la fin des idéologies. Ce qui fait probablement de nous des non idéologues.
Pour votre édification personnelle, je suis allé chercher pour vous, dans le Petit Robert de la langue française, ce que veut dire « idéologie » :

1. Hist. philos. Système philosophique qui, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe s., avait pour objet « l'étude des idées, de leurs lois, de leur origine » (Lalande).

Bon, là par exemple, ok je veux bien. C’est vrai, après tout : ce n’est plus la philosophie qui étudie les idées, mais plutôt la science, depuis l’avènement de la psychanalyse d’abord, puis du cognitivisme, puis des neurosciences. Mais je ne crois pas que ce soit de ce sens qu’on parle.

2. Péj. Analyses, discussions sur des idées creuses; philosophie vague et nébuleuse.

AHA ! Là, on voit déjà mieux : C’est la fin des analyses et discussions sur des idées creuses ! La fin de la philosophie vague et nébuleuse ! Rien qu’à voir le battage médiatique autour du Loft il n’y a pas si longtemps : On n’était pas du tout dans la discussion sur une idée creuse. Les philosophies vagues et nébuleuses sont d’un autre âge : la Scientologie, le New Age, le Bouddhisme d’entreprise n’occupent jamais l’espace de débat. Le néolibéralisme, avec son commissaire-priseur omniscient et régulateur, constaté empiriquement bien entendu, ne repose en aucun cas sur une idée creuse : il repose sur la Foi ! La Foi dans un système qui a prouvé, en ‘29 déjà, alors qu’on le connaissait pas très bien pourtant, qu’on avait du mal à connaître ses risques (et donc qu’on ne faisait pas grand’ chose pour le réguler) à quel point il allait sauver le monde. Depuis ‘29, au lieu d’avoir posé des questions, d’être revenus sur certains principes, certains axiomes qui ne reposaient que sur les vœux pieux d’un bourgeois écossais du dix-neuvième siècle (qui d’ailleurs avait justement apporté, dans ses livres, une nouveauté : la rigueur scientifique dans l’étude de l’économie), on a trouvé la parade à la critique, on a trouvé la parade à l’analyse : on y a fait participer tout un chacun. Chacun d’entre nous peut, aujourd’hui, mettre son salaire dans cette grosse boîte. Certains d’entre nous, aux Etats-Unis surtout y sont contraints. Et depuis ’29, il y en a eu d’autres. Au milieu des années 80, un autre jeudi d’octobre. Au début des années 2000, un grand nombre d’étasuniens se sont retrouvés sans le moindre sou pour leur retraite suite à l’affaire Enron. Le système produit des richesses, certes. Mais il produit aussi des pauvres, beaucoup de pauvres. Et au lieu de critiquer, de réviser, d’analyser le système, on oublie juste de le mentionner. On ne discute même plus sur des idées creuses, on agit en les oubliant. Bref, plus d’idéologie au sens 2. Les idées creuses ne sont plus disputées, elles nous gouvernent, simplement.
Mais il y a un troisième sens à idéologie dans le Petit Robert :

3. (fin XIXe; vocab. marxiste) Ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque, à une société ou à une classe. « Ces biens bourgeois que sont par exemple, la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique de cocuage, bref ce qu'on appelle une idéologie » (Barthes).

Et là, avec Barthes, on regarde la fin des idéologies avec un œil neuf. L’ensemble des idées, des croyances et des doctrines de notre époque, malgré la chute du mur, malgré le nettoyage (de surface en tout cas) des fascismes, malgré le consensus misérabiliste dans lequel tous les médias ou presque semblent s’être engoncés, est une idéologie. Il est un consensus. Il est l’habitus, au sens bourdieusien, non pas de classe, mais de notre génération. Mais il est tellement omniprésent qu’on en oublie ce détail, pourtant constitutif, ontologique de ce que nous vivons aujourd’hui. Notre consensus, chers amis, chères amies, est une idéologie. La fin des idéologies, comme on nous l’a vendue lorsque nous étions enfants, c’était le triomphe de CETTE idéologie, celle-là même qui gagne gentiment du terrain, élection après élection. L’idéologie a gagné les présidentielles, l’idéologie gagnera les législatives (elle les a déjà à peu près gagnées). L’identité nationale© est une idéologie. La toute-puissance du marché est une idéologie. La croissance comme nécessité est une idéologie. Et le retour aux valeurs est aussi une idéologie. La méritocratie est une idéologie. Idéologies contre lesquelles il convient de lutter dans les urnes, au moins. Une idéologie à laquelle il suffirait déjà de réfléchir gentiment. Bonne journée les gens, et aux urnes citoyen·nes, il y a moyen de limiter un peu les dégâts !

lundi, janvier 23, 2006

Violence(s)

Pour continuer (un peu) sur ma lancée des grands posts pseudo-intellectuels, je reviens pour un petit moment sur le conflit Bible/Darwin. Pour un observateur un peu ouvert et un tant soit peu civilisé, il est assez facile de se ranger dans le rang des opposants aux fondamentalistes. Ces gens-là, voyons, sont des brutes, ils vont aller tabasser un pauvre prof qui aura l'audace d'enseigner Darwin, ou d'en parler simplement, etc. Certes. Il n'y a rien de respectable dans ce genre de comportement, à mon avis contre-productif pour lesdits fondamentalistes. Mais revenons un peu à notre débat : comme je l'ai dit, les scientifiques définissent la réalité (démocratiquement acceptée comme réelle d'ailleurs, même aux Etats-Unis, qui s'en servent notamment dans le règlement des ses pléthoriques procédures judiciaires). L'univers mental, les idées et les opinions de toute la civilisation occidentale sont orientés vers l'idée que la Science est le Vrai. Même les chrétiens (puisque c'est de ceux-ci que je parle, depuis quelque temps, loin de moi l'idée selon laquelle les autres religions sont plus ouvertes, ou fermées par ailleurs) les moins fanatiques s'accordent à penser que la science est vraie. La conséquence de ceci est importante : plus on "avance" dans la science, moins l'hypothèse opératoire de Dieu en tant qu'explication de l'univers semble utile. Plus la science avance, pourrait-on penser, plus les voies du Seigneur sont impénétrables. Si Dieu a vraiment créé le monde, l'état actuel de nos connaissances ne permet pas de cerner son action à travers notre perception (même scientifique) de la réalité. Ce qui ne veut pas dire que la science a prouvé l'absence de Dieu, puisque Dieu en tant qu'omnipotent peut à la fois créer l'univers et effacer toutes traces de son passage. Néanmoins, lorsque l'on a été élevé et formatté (au sens léger du terme) avec l'hypothèse que Dieu est perceptible tout autour de nous, ceci nous plonge dans une situation compliquée au niveau identitaire : quel bien nous fait le fait de savoir que l'on a des parents si l'on ne peut pas les percevoir ? La position est difficile à garder, et induit une certaine peur, ou tout du moins un malaise certain. Première attaque, premier repli identitaire, début de la polarisation. Néanmoins, pour rajouter encore un peu d'huile sur le feu, revenons sur ce que je disais au début : le monde occidental démocratique donne raison aux masses, et les masses donnent raison à la science (ou tout au moins à leurs représentations de la science). Bourdieu introduit le concept de violence symbolique : "c'est cette violence qui extorque des soumissions qui ne sont même pas perçues comme telles en s'appuyant sur des « attentes collectives », des croyances socialement inculquées. Comme la théorie de la magie, la théorie de la violence symbolique repose sur une théorie de la croyance ou, mieux, sur une théorie de la production de la croyance, du travail de socialisation nécessaire pour produire des agents dotés des schèmes de perception et d'appréciation qui leur permettront de percevoir les injonctions inscrites dans une situation ou dans un discours et de leur obéir."(Raisons pratiques, 1994, p.188) La croyance (ou production de croyance) ici est bien entendu le discours scientifique (ou en tout cas sa tendance à refuser tout savoir produit comme produit dans un contexte). Cette violence, toute symbolique fût-elle, est perçue par nos "fondamentalistes" comme une privation d'un autre droit obligé (l'oxymore est voulu) : la liberté de penser (si chère à Florent Pagny). Cette contradiction émergente du système politico-scientifique, est l'une des causes possibles de la violence physique de ceux qui ont peur que leur perception du réel toute entière soit anéantie par le plus grand nombre. Il ne s'agit pas ici, encore une fois, de justifier des actes que j'irai jusqu'à qualifier de profondément stupides si je n'étais pas aussi bien élevé, mais d'analyser un peu plus largement l'effet que certaines dérives (inconscientes pour tous) sociétales produisent souvent : les émeutes dans les banlieues françaises, fin 2005, sont à mon avis des exemples flagrants de réaction à la violence symbolique due à un appareil politique qui n'arrive pas à se détacher de son racisme institutionnalisé. Cette violence produit des peurs identitaires très fortes, poussant ses "victimes" à des extrémités douteuses... Tout ceci pourrait peut-être être apaisé (à défaut d'être évité) par une plus grande écoute de la part (pour le cas de Bible contre Darwin) de quelques scientifiques ainsi que de quelques tenants de l'ID, pourquoi pas ?

mardi, janvier 17, 2006

Darwin

J'ai récemment parcouru le dernier hors-série du Nouvel Observateur - publication sérieuse s'il en est - intitulé "La Bible contre Darwin". Ce magazine présentait au public français la théorie (américaine surtout) de l'Intelligent Design, cette théorie qui, sans être créationniste, cherche à replacer Dieu dans les débats scientifiques. Ceci me rappelle la réflexion de l'un des fondateurs de la Royal Society (Boyle, peut-être, ou Newton), l'académie des sciences Anglaise, à l'époque :"Nous avions placé Dieu hors de nos débats" (ceci se passait dans la deuxième moitié du 18ème siècle)... Bien, le théâtre des opérations étant désormais fixé, divers scientifiques illustres avaient leur place pour démolir cette théorie comme étant un ramassis de conneries "non-scientifiques" et forcément des émergences d'un système (social) tentant d'instrumentaliser la Science à des fins politiques. Jusqu'ici, pas de problème, on a bien compris : Intelligent Design pas beau pas gentil, Science belle et Vraie, c'est bon, ils ont tort on a raison on va passer à autre chose merci beaucoup. Moui...
Bon...
Mais quand même...
Y a un truc qui me gêne un petit peu, là...
Dieu ou pas Dieu, d'ailleurs...
Je m'explique : que ces braves messieurs, biologistes, paléonthologues, physiciens s'accordent tous pour dire que ce qu'ils font est Science, et que bonne Science ne saurait mentir, contrairement à tous leurs beaux contre-arguments envers la théorie des "autres", là, les moutons noirs de la science qui cherchent à prouver des tas de trucs nazes, et qui finalement ne sauraient être dans le Vrai puisqu'ils ne sont pas dans la Science.
Entendons-nous bien, la théorie de l'Intelligent Design ne me paraît pas du tout réaliste ni correcte. Mais les arguments de tout ce numéro du hors-série d'une revue (non-scientifique de surcroît) m'ont mis profondément mal à l'aise : finalement, ils stipulent dans ce magazine que Vrai et Science ne font qu'un, et quelque part que tout ce qui n'est pas Science est faux, n'est qu'un construit social. Deux prédicats marchant bien ensemble, certes, mais qui sont à mon avis des exagérations monumentales, et franchement paternalistes envers le commun (non-scientifique) des mortels. Premièrement : la Science est Vraie. D'accord. Mais alors, on peut arrêter de chercher de nouvelles choses, car ce qui est Vrai ne vaut pas la peine d'être réfuté... On se calme : Il arrive tous les jours que les scientifiques fassent des raccourcis, des hypothèses, etc. etc. ce qui est par ailleurs très sain, puisque celà permet d'aller plus loin ensuite. Il ne s'agit pas non plus de sombrer dans le relativisme total. La Science est, en quelque sorte "Vraie", mais elle est vraie parce que le vrai est défini par le scientifique. La méthode scientifique en elle-même a défini pour nous le Vrai. Utiliser l'argument "ce que vous dites est faux parce que ce n'a pas été prouvé scientifiquement" revient à la même tautologie que de dire "Je déduis de l'existence du monde que Dieu existe parce que je sais que Dieu a créé le monde". La science a ceci de joli qu'elle permet justement d'utiliser des connaissances "vraies" pour trouver des solutions pragmatiques à des problèmes d'aujourd'hui. La méthode scientifique a la rigueur nécessaire pour trouver des causes et les rompre, que les phénomènes qu'elle décrit soient Vrais ou non. Ce qui m'amène tout gentiment à mon deuxième problème : La science en tant que méthode n'est pas une déduction du réel, ou, en tout cas, pas seulement. Lorsque les scientifiques parlent de l'Intelligent Design, tout se passe comme si seule cette théorie était un fait social (les journaux en feraient, à peu de choses près, un de ces phénomènes de société) ou politique. Ai-je bien entendu ? Mais alors, on m'aurait menti ? Lorsque l'on m'a raconté qu'à une époque pour soigner les femmes de l'hystérie (maladie bien connue des maris qui en ont marre) on leur enlevait simplement l'utérus ? Lorsque Broca mesurait les cerveaux des uns et des autres, concluant que celui des êtres inférieurs était bien moins volumineux, en excluant consciencieusement tous les cerveaux qui n'étaient pas dans sa tendance ? Lorsque la Science s'obstine à nous dire qu'il n'y a que deux sexes alors que même au niveau des chromosomes sexuels on peut définir au moins 4 (si ce n'est plus) possibilités (dont certaines sont très rares, certes, mais je simplifie). La Science, malgré son "projet" d'universalité, louable certes, mais complètement irréalisable, perd de vue, par manque d'humilité, le simple fait qu'il n'existe pas de Science (ou du moins, pas de scientifique) qui soit libérée de toutes les présuppositions et prises de position inhérentes au contexte social de sa production : toute connaissance scientifique permet, dans une certaine mesure, de changer le monde (des idées), mais elle est elle-même co-construite par le politique (au sens le plus large possible), par ses choix de thèmes de recherches, de ses méthodes, de l'attrait des théories pour le grand public, et ainsi de suite.
Or, de ces quelques détails minimes, le hors-série du Nouvel Observateur ne pipait mot. La propagande fondamentaliste est tout de même parfois plus proche de chez soi que l'on croit.