Mon désir crie famine, tu es un mets de choix.
Quand j'aiguise mes crocs, je ne pense qu'à toi.
Fuis, fuis, ô mon agnelle, devant l'ombre qui bruit.
Car tu ignores tout de ce qui s'y tapit.
Si tu oublies ces mots au mépris du danger,
Tu connaîtras ta fin en un mortel baiser.
Je suis le loup, j'avance, me faufile et m'esquive
Guidé par ton parfum. Fauve dont tu avives
Les instincts de chasseur, de mordeur. Je te suis.
Je suis le prédateur. Toi, la proie qui le fuit.
Si tu penses quand-même à ne pas t'échapper
Tu connaîtras ta fin en un mortel baiser.
Par-dessus ton épaule, ne te retourne pas.
Échappe-toi bien vite des chemins incertains.
Crains ma douce agonie et, au bout de mes mains
Les griffes qui sans peine s'insinueront en toi.
Si la peur ne vient pas ta porte verrouiller
Tu connaîtras ta fin en un mortel baiser.
ENVOI :
Quand je t'aurai, enfin, au détour d'un fourré,
Quand tu seras piégée dans ma gueule de loup,
Tu sentiras mon souffle et mes crocs sur ton cou
Et connaîtras ta fin en un mortel baiser.
mardi, septembre 22, 2009
lundi, août 31, 2009
Comment tombent les héros - Le PDF
Pour ceux et celles qui souhaiteraient un document plus agréable à lire, c'est ici que ça se passe.
Un joli petit PDF où vous trouverez toute l'histoire, joliment arrangée.
Un joli petit PDF où vous trouverez toute l'histoire, joliment arrangée.
Comment tombent les héros - Epilogue
Epilogue
-"C'est interdit, tu sais, ce que tu viens de faire..."
-"Il paraît, oui..."
-"Tu vas rester ? Ou tu vas enfin te décider à faire ce qui est normal ?"
-"Je crois que je vais y aller. Je leur ai laissé un petit quelque chose, c'est suffisant."
L'Echeveau se dressa devant elle, comme elle ne l'avait jamais vu. Elle jeta un petit coup d'oeil à l'endroit où elle avait aidé sa meilleure amie à jeter son sort. Rien ne bougerait avant un ou deux siècles. Satisfaite, Sandra se laissa entraîner entre les mailles. Il y avait des tas de choses nouvelles à découvrir là-bas. Et peut-être un ou deux trucs à bastonner.
-"C'est interdit, tu sais, ce que tu viens de faire..."
-"Il paraît, oui..."
-"Tu vas rester ? Ou tu vas enfin te décider à faire ce qui est normal ?"
-"Je crois que je vais y aller. Je leur ai laissé un petit quelque chose, c'est suffisant."
L'Echeveau se dressa devant elle, comme elle ne l'avait jamais vu. Elle jeta un petit coup d'oeil à l'endroit où elle avait aidé sa meilleure amie à jeter son sort. Rien ne bougerait avant un ou deux siècles. Satisfaite, Sandra se laissa entraîner entre les mailles. Il y avait des tas de choses nouvelles à découvrir là-bas. Et peut-être un ou deux trucs à bastonner.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (6)
Ernest, Abraham, Wilhelm, Thomas, Nathalie et Elisa.
La neige avait fondu. L'herbe sous leur pieds était fraîche, et plus aucun signe de leurs adversaires, ni de la terrible bataille, qui s'était instantanément arrêtée, ne subsistait. Un calme olympien les entourait, les berçait. Thomas se leva le premier, jeta un oeil au ciel bleu sombre, puis s'approcha de Nathalie, qui souriait faiblement à travers la fatigue et la crasse. Juste derrière eux, Elisa s'était allongée, les yeux mi-clos. La silhouette presque transparente de Nicolas se tenait auprès d'elle. Thomas se mit en mouvement, difficilement, très difficilement, poussant un grognement à chaque nouveau muscle qui s'insurgeait contre de nouveaux mauvais traitements. L'air était doux, presque chaud, comme si le crépuscule magique avait chassé l'hiver. Il aida comme il put Wilhelm à se lever, son énorme masse manquant de lui arracher une épaule.
-"C'est souvent que le soleil se lève à l'envers chez vous ?"
-"Bof...", répondit Thomas.
Ernest et Van Helsing étaient écroulés l'un sur l'autre, visiblement blessés. Ernest avait sans doute tenu à se battre, ce qui ne lui réussissait guère, et il était couvert de bleus et de coupures, de coups de griffes et de coups de dents. Lentement, les deux hommes semblaient émerger de leur évanouissement, la chaleur d'un soleil d'automne semblant faire fondre la douleur. Thomas sentait d'ailleurs lui aussi son corps se détendre, récupérer, à une cadence qui lui sembla vraiment très rapide. Déjà, les blessures sur son visage semblaient cicatriser. Une odeur étrange, végétale, presque sucrée lui emplissait les narines. Une odeur qui lui rappelait le lycée, et sa mère, et ses potes, et les après-midi à courir dans l'herbe quand il était gamin, les soirées à traîner, mais aussi les combats et surtout les victoires, tous les moments de sa vie pendant lesquels il s'était dit "je suis là et c'est bien". Une paix absolue s'insinua en lui. La réalisation qu'il était un avec les autres représentants de l'humanité, avec leur parc, avec toute la ville. La puissance du sentiment le mit à genoux, et des larmes de soulagement envahirent ses yeux. Il se tourna vers Nathalie, qui riait doucement sous un arbre.
Wilhelm faisait l'inventaire. On lui avait enseigné à connaître le moindre muscle, le moindre cartilage, le moindre os de son corps, et il constata, surpris, que rien ne semblait plus abîmé, comme après un mois de repos. Un large sourire barrait son visage écailleux. Il y avait quand même du bon à se laisser porter par la Chasse, pensa-t-il. Et si les autres dimensions étaient effectivement bizarres, il ne regretterait jamais de s'être perdu un jour au détour d'une forêt pour arriver ici. Un jour, il avait vu sur une de leurs fenêtres étranges l'histoire d'un barbare, ancien esclave, qui se battait contre un culte serpent qui n'était pas sans lui rappeler la religion de ses ancêtres. Le barbare avait un Dieu à lui, que Wilhelm avait bien aimé, et il criait son nom dans les moments les plus forts de ses aventures. Wilhelm fit de même. "Crom !", lâcha-t-il dans un grand éclat de rire, avant d'aller aider les deux vieux humains à se relever.
Elisa écarquilla les yeux, tout à coup. Un léger doute. Ce qui s'était passé était infiniment plus complexe, -infiniment plus merveilleux aussi- que le sort qu'elle avait prévu de lancer. Ils n'étaient pas censés guérir instantanément, déjà, pas censés non plus ressentir cette euphorie qui la berçait. Ils étaient tous là, debout, ensemble. Elle s'approcha de Thomas et Nathalie, qui la regardaient d'un air appréciateur. Thomas lui lança un "bien joué", et leva une paume qu'elle s'empressa de frapper de la sienne avant de refaire le geste avec Nathalie et Wilhelm, enfin avec Ernest, après tout. Puis un silence perplexe s'installa.
-"Euh, tu as fait quoi exactement ?", commença Thomas.
-"En fait, je sais pas trop. C'était censé nous déplacer au mois d'octobre, tu te rappelles, quand on avait passé la soirée ici ? Juste un petit tour, pour boire un pot et faire un pique-nique, parce que j'ai trouvé... J'ai trouvé qu'il lui fallait quelque chose de... De plus..." Sa voix se brisa. Elle était en larmes, son visage rayé par le mascara. Ernest s'approcha et, tout doucement, très dignement, serra ses épaules de ses mains.
-"Je voulais pas qu'on se rappelle ce truc, ce matin", hoqueta-t-elle, "c'était nul, c'était pas elle, c'était pas nous, et ça m'a fait réfléchir. Je voulais qu'on ait un vrai truc à nous pour se souvenir d'elle. Et j'avais trouvé un petit truc pour qu'on se rappelle un moment rien qu'à nous. Parce qu'on a galéré sans arrêt depuis que tout a commencé, qu'on a donné tout ce qu'on avait, et que ça n'a quand même pas suffi. Je veux pas qu'on arrête, je veux pas qu'on abandonne le combat, ce qu'on fait est trop important. Mais je voulais que ce soir on ait un moment de répit. Apparemment je me suis trompée dans mes calculs, d'accord. Quelque chose s'est passé quand j'ai fini mon sort. Mais on est là, on est bien, et on a le droit de faire une pause. Pour Sandra. Avec son souvenir."
-"Moi je vote pour", déclara Thomas. "De toute façon vos machins magiques ne marchent jamais comme vous prévoyez, alors je dis qu'on en profite. Qui a fait les sandwiches ?"
Elisa se rendit vers le petit portillon jamais fermé qui servait d'entrée au parc. Elle ramena l'énorme panier en osier qu'elle avait emprunté à ses parents.
-"Tu as donc vraiment préparé des sandwiches. Tu sais que tu es trop forte, toi ?", lança-t-il à Elisa en saisissant une demie-baguette. "Vous pouvez en prendre de la graine, les ancêtres," ajouta-t-il, lançant Galore un regard moqueur. "Vous nous avez encore été super-utile aujourd'hui. Je crois qu'on vous doit un fier chandelier, à force..."
Galore baissa les yeux, et essuya ses lunettes. Il ânonna plusieurs débuts de phrase, puis lâcha un "désolé" dans un murmure. Thomas leva la tête du panier :
-"Pâté-cornichons pour vous, c'est ça ? Allez, Ernest, on sait bien que vous avez fait de votre mieux. Et puis... C'est pas comme si c'était vous qui étiez censé être le chasseur de monstres légendaire, n'est-ce pas Monsieur Vé ?"
-"Je vois qu'il y a de la salade de pâtes, jeune effronté", répondit Van Helsing, "Sers m'en donc une assiette. En silence."
Wilhelm se baissa. Elisa avait pensé à lui : Un énorme saucisson, qu'il mangeait la plupart du temps avec la ficelle, portait une étiquette avec son nom. Et Elisa lui avait acheté des M&M's. Un bon gros sourire lui fendit le visage, et il s'installa sur un banc, profitant du soleil qui semblait figé dans le ciel. Ils s'assirent en cercle, autour du panier. La fausse soirée dura longtemps, ils rirent parfois, ils pleurèrent aussi, ils parlèrent d'elle. Plus tard, ils décidèrent d'appeler Jean-Louis pour lui proposer de venir, ce qu'il déclina immédiatement, avant d'arriver, son meilleur pote le traînant presque par le bras. Il rejoignirent le cercle.
La neige avait fondu. L'herbe sous leur pieds était fraîche, et plus aucun signe de leurs adversaires, ni de la terrible bataille, qui s'était instantanément arrêtée, ne subsistait. Un calme olympien les entourait, les berçait. Thomas se leva le premier, jeta un oeil au ciel bleu sombre, puis s'approcha de Nathalie, qui souriait faiblement à travers la fatigue et la crasse. Juste derrière eux, Elisa s'était allongée, les yeux mi-clos. La silhouette presque transparente de Nicolas se tenait auprès d'elle. Thomas se mit en mouvement, difficilement, très difficilement, poussant un grognement à chaque nouveau muscle qui s'insurgeait contre de nouveaux mauvais traitements. L'air était doux, presque chaud, comme si le crépuscule magique avait chassé l'hiver. Il aida comme il put Wilhelm à se lever, son énorme masse manquant de lui arracher une épaule.
-"C'est souvent que le soleil se lève à l'envers chez vous ?"
-"Bof...", répondit Thomas.
Ernest et Van Helsing étaient écroulés l'un sur l'autre, visiblement blessés. Ernest avait sans doute tenu à se battre, ce qui ne lui réussissait guère, et il était couvert de bleus et de coupures, de coups de griffes et de coups de dents. Lentement, les deux hommes semblaient émerger de leur évanouissement, la chaleur d'un soleil d'automne semblant faire fondre la douleur. Thomas sentait d'ailleurs lui aussi son corps se détendre, récupérer, à une cadence qui lui sembla vraiment très rapide. Déjà, les blessures sur son visage semblaient cicatriser. Une odeur étrange, végétale, presque sucrée lui emplissait les narines. Une odeur qui lui rappelait le lycée, et sa mère, et ses potes, et les après-midi à courir dans l'herbe quand il était gamin, les soirées à traîner, mais aussi les combats et surtout les victoires, tous les moments de sa vie pendant lesquels il s'était dit "je suis là et c'est bien". Une paix absolue s'insinua en lui. La réalisation qu'il était un avec les autres représentants de l'humanité, avec leur parc, avec toute la ville. La puissance du sentiment le mit à genoux, et des larmes de soulagement envahirent ses yeux. Il se tourna vers Nathalie, qui riait doucement sous un arbre.
Wilhelm faisait l'inventaire. On lui avait enseigné à connaître le moindre muscle, le moindre cartilage, le moindre os de son corps, et il constata, surpris, que rien ne semblait plus abîmé, comme après un mois de repos. Un large sourire barrait son visage écailleux. Il y avait quand même du bon à se laisser porter par la Chasse, pensa-t-il. Et si les autres dimensions étaient effectivement bizarres, il ne regretterait jamais de s'être perdu un jour au détour d'une forêt pour arriver ici. Un jour, il avait vu sur une de leurs fenêtres étranges l'histoire d'un barbare, ancien esclave, qui se battait contre un culte serpent qui n'était pas sans lui rappeler la religion de ses ancêtres. Le barbare avait un Dieu à lui, que Wilhelm avait bien aimé, et il criait son nom dans les moments les plus forts de ses aventures. Wilhelm fit de même. "Crom !", lâcha-t-il dans un grand éclat de rire, avant d'aller aider les deux vieux humains à se relever.
Elisa écarquilla les yeux, tout à coup. Un léger doute. Ce qui s'était passé était infiniment plus complexe, -infiniment plus merveilleux aussi- que le sort qu'elle avait prévu de lancer. Ils n'étaient pas censés guérir instantanément, déjà, pas censés non plus ressentir cette euphorie qui la berçait. Ils étaient tous là, debout, ensemble. Elle s'approcha de Thomas et Nathalie, qui la regardaient d'un air appréciateur. Thomas lui lança un "bien joué", et leva une paume qu'elle s'empressa de frapper de la sienne avant de refaire le geste avec Nathalie et Wilhelm, enfin avec Ernest, après tout. Puis un silence perplexe s'installa.
-"Euh, tu as fait quoi exactement ?", commença Thomas.
-"En fait, je sais pas trop. C'était censé nous déplacer au mois d'octobre, tu te rappelles, quand on avait passé la soirée ici ? Juste un petit tour, pour boire un pot et faire un pique-nique, parce que j'ai trouvé... J'ai trouvé qu'il lui fallait quelque chose de... De plus..." Sa voix se brisa. Elle était en larmes, son visage rayé par le mascara. Ernest s'approcha et, tout doucement, très dignement, serra ses épaules de ses mains.
-"Je voulais pas qu'on se rappelle ce truc, ce matin", hoqueta-t-elle, "c'était nul, c'était pas elle, c'était pas nous, et ça m'a fait réfléchir. Je voulais qu'on ait un vrai truc à nous pour se souvenir d'elle. Et j'avais trouvé un petit truc pour qu'on se rappelle un moment rien qu'à nous. Parce qu'on a galéré sans arrêt depuis que tout a commencé, qu'on a donné tout ce qu'on avait, et que ça n'a quand même pas suffi. Je veux pas qu'on arrête, je veux pas qu'on abandonne le combat, ce qu'on fait est trop important. Mais je voulais que ce soir on ait un moment de répit. Apparemment je me suis trompée dans mes calculs, d'accord. Quelque chose s'est passé quand j'ai fini mon sort. Mais on est là, on est bien, et on a le droit de faire une pause. Pour Sandra. Avec son souvenir."
-"Moi je vote pour", déclara Thomas. "De toute façon vos machins magiques ne marchent jamais comme vous prévoyez, alors je dis qu'on en profite. Qui a fait les sandwiches ?"
Elisa se rendit vers le petit portillon jamais fermé qui servait d'entrée au parc. Elle ramena l'énorme panier en osier qu'elle avait emprunté à ses parents.
-"Tu as donc vraiment préparé des sandwiches. Tu sais que tu es trop forte, toi ?", lança-t-il à Elisa en saisissant une demie-baguette. "Vous pouvez en prendre de la graine, les ancêtres," ajouta-t-il, lançant Galore un regard moqueur. "Vous nous avez encore été super-utile aujourd'hui. Je crois qu'on vous doit un fier chandelier, à force..."
Galore baissa les yeux, et essuya ses lunettes. Il ânonna plusieurs débuts de phrase, puis lâcha un "désolé" dans un murmure. Thomas leva la tête du panier :
-"Pâté-cornichons pour vous, c'est ça ? Allez, Ernest, on sait bien que vous avez fait de votre mieux. Et puis... C'est pas comme si c'était vous qui étiez censé être le chasseur de monstres légendaire, n'est-ce pas Monsieur Vé ?"
-"Je vois qu'il y a de la salade de pâtes, jeune effronté", répondit Van Helsing, "Sers m'en donc une assiette. En silence."
Wilhelm se baissa. Elisa avait pensé à lui : Un énorme saucisson, qu'il mangeait la plupart du temps avec la ficelle, portait une étiquette avec son nom. Et Elisa lui avait acheté des M&M's. Un bon gros sourire lui fendit le visage, et il s'installa sur un banc, profitant du soleil qui semblait figé dans le ciel. Ils s'assirent en cercle, autour du panier. La fausse soirée dura longtemps, ils rirent parfois, ils pleurèrent aussi, ils parlèrent d'elle. Plus tard, ils décidèrent d'appeler Jean-Louis pour lui proposer de venir, ce qu'il déclina immédiatement, avant d'arriver, son meilleur pote le traînant presque par le bras. Il rejoignirent le cercle.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (5)
Wilhelm.
Lentement, mais sûrement, il était en train de perdre du terrain. Serpentine n'avait qu'à avancer encore un peu et elle n'aurait même pas à le neutraliser complètement avant de pouvoir tuer les deux vieux humains. Elle l'avait d'ailleurs parfaitement compris, et semblait se battre uniquement dans le but de le faire reculer davantage, sans chercher à lui infliger des dégâts importants. Simplement, elle utilisait sa force pour le repousser, avançant inexorablement, pas à pas, vers les deux hommes, facilement mis hors d'état de nuire au début du combat. Wilhelm encaissait, résistait de mieux qu'il pouvait, mais sans une ouverture il ne pouvait rien faire, pas prendre pied. La colère montait en lui, sourde, terrible, mais insuffisante. Serpentine n'était plus qu'à un mètre de ses amis. Il rassembla ses forces une dernière fois et se jeta sur elle, son épaule percutant son adversaire en plein abdomen avec un bruit sourd, comme un bélier contre une porte de chêne. Déstabilisée, Serpentine planta ses deux mains griffues dans le dos de Wilhelm, qui poussa un terrible feulement. Il la poussait de toutes ses forces, levant derrière lui de grosses pattes de neige mêlée de terre, tentant de lui broyer les os. Mais elle résistait. Elle enfonçait de plus belle ses griffes dans son dos. La douleur était indicible, Wilhelm soufflait des imprécations dans sa langue d'origine, chaque pouce de son être aiguisé pour la seule tâche de détruire, de repousser, de tenir en tout cas.
Ils restèrent ainsi, appuyés l'un à l'autre dans cette grotesque étreinte pendant une éternité. Puis, soudain, une petite étincelle vint se mêler aux gros points rouges qui troublaient sa vision sous l'effort. Un petit murmure, presque un bourdonnement, s'éleva autour d'eux. Wilhelm luttait toujours, mais Serpentine semblait troublée, moins concentrée. Il leva les yeux : une nuée de petites lumières désordonnées tournait autour de la doppelgänger, s'insinuant dans ses yeux, dans ses oreilles, dans les deux fentes qui lui servaient à respirer. Le chuchotement s'intensifia, semblant tourner autour d'elle, la tourmentant de phrases presque audibles. Elle dut extirper ses griffes du dos Wilhelm pour les chasser, ce qui lui causa une nouvelle vague de douleur, qui s'estompa un peu lorsqu'il releva la tête. Serpentine faisait de grands gestes, tentant de chasser les étranges insectes qui la harcelaient maintenant, venant percuter son visage de toutes parts. Son agitation grandissant, elle se démena de plus belle, parvenant à écarter le plus gros de l'essaim. Après quelques secondes, elle réussit à s'extirper du nuage, broyant de ses mains une poignée de petites lumières. La voix de Nicolas parvint aux oreilles de Wilhelm : "J'espère que ça sera suffisant." Wilhelm acquiesça.
Lorsque Serpentine revint à la charge, il était prêt. La course de la doppelgänger l'emmena s'empaler directement sur les griffes de Wilhelm. Elle tenta de le frapper encore, de lui arracher les yeux, mais avec les derniers restes de ses forces, Wilhelm écarta les bras d'un coup sec, sectionnant son adversaire en deux. Son râle d'agonie retentit à travers tout le parc, sa colère électrisant les combattants, ramenant l'espace d'un instant le calme sur le parc. Wilhelm posa un genou à terre, et leva la tête. Il entendit l'horloge de la ville sonner deux coups, et parcourut du regard le parc ravagé par la bataille. Elisa était assise au sol, le regard vide. Devant elle, Thomas et Nathalie se retenaient l'un l'autre de tomber, pris en tenaille. Il n'arriverait jamais à les tirer d'affaire. Il ne pouvait presque plus bouger. Il entendit Thomas lui crier quelque chose. Puis il tomba à terre épuisé. Ils allaient mourir en combattant. C'était une consolation.
A ce moment précis, à l'ouest, le soleil se leva.
Lentement, mais sûrement, il était en train de perdre du terrain. Serpentine n'avait qu'à avancer encore un peu et elle n'aurait même pas à le neutraliser complètement avant de pouvoir tuer les deux vieux humains. Elle l'avait d'ailleurs parfaitement compris, et semblait se battre uniquement dans le but de le faire reculer davantage, sans chercher à lui infliger des dégâts importants. Simplement, elle utilisait sa force pour le repousser, avançant inexorablement, pas à pas, vers les deux hommes, facilement mis hors d'état de nuire au début du combat. Wilhelm encaissait, résistait de mieux qu'il pouvait, mais sans une ouverture il ne pouvait rien faire, pas prendre pied. La colère montait en lui, sourde, terrible, mais insuffisante. Serpentine n'était plus qu'à un mètre de ses amis. Il rassembla ses forces une dernière fois et se jeta sur elle, son épaule percutant son adversaire en plein abdomen avec un bruit sourd, comme un bélier contre une porte de chêne. Déstabilisée, Serpentine planta ses deux mains griffues dans le dos de Wilhelm, qui poussa un terrible feulement. Il la poussait de toutes ses forces, levant derrière lui de grosses pattes de neige mêlée de terre, tentant de lui broyer les os. Mais elle résistait. Elle enfonçait de plus belle ses griffes dans son dos. La douleur était indicible, Wilhelm soufflait des imprécations dans sa langue d'origine, chaque pouce de son être aiguisé pour la seule tâche de détruire, de repousser, de tenir en tout cas.
Ils restèrent ainsi, appuyés l'un à l'autre dans cette grotesque étreinte pendant une éternité. Puis, soudain, une petite étincelle vint se mêler aux gros points rouges qui troublaient sa vision sous l'effort. Un petit murmure, presque un bourdonnement, s'éleva autour d'eux. Wilhelm luttait toujours, mais Serpentine semblait troublée, moins concentrée. Il leva les yeux : une nuée de petites lumières désordonnées tournait autour de la doppelgänger, s'insinuant dans ses yeux, dans ses oreilles, dans les deux fentes qui lui servaient à respirer. Le chuchotement s'intensifia, semblant tourner autour d'elle, la tourmentant de phrases presque audibles. Elle dut extirper ses griffes du dos Wilhelm pour les chasser, ce qui lui causa une nouvelle vague de douleur, qui s'estompa un peu lorsqu'il releva la tête. Serpentine faisait de grands gestes, tentant de chasser les étranges insectes qui la harcelaient maintenant, venant percuter son visage de toutes parts. Son agitation grandissant, elle se démena de plus belle, parvenant à écarter le plus gros de l'essaim. Après quelques secondes, elle réussit à s'extirper du nuage, broyant de ses mains une poignée de petites lumières. La voix de Nicolas parvint aux oreilles de Wilhelm : "J'espère que ça sera suffisant." Wilhelm acquiesça.
Lorsque Serpentine revint à la charge, il était prêt. La course de la doppelgänger l'emmena s'empaler directement sur les griffes de Wilhelm. Elle tenta de le frapper encore, de lui arracher les yeux, mais avec les derniers restes de ses forces, Wilhelm écarta les bras d'un coup sec, sectionnant son adversaire en deux. Son râle d'agonie retentit à travers tout le parc, sa colère électrisant les combattants, ramenant l'espace d'un instant le calme sur le parc. Wilhelm posa un genou à terre, et leva la tête. Il entendit l'horloge de la ville sonner deux coups, et parcourut du regard le parc ravagé par la bataille. Elisa était assise au sol, le regard vide. Devant elle, Thomas et Nathalie se retenaient l'un l'autre de tomber, pris en tenaille. Il n'arriverait jamais à les tirer d'affaire. Il ne pouvait presque plus bouger. Il entendit Thomas lui crier quelque chose. Puis il tomba à terre épuisé. Ils allaient mourir en combattant. C'était une consolation.
A ce moment précis, à l'ouest, le soleil se leva.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (4)
Thomas.
Le gigantesque doppelgänger, qui avait réussi à se relever le premier, était déjà presque sur lui. Thomas soupira. Il leva son épée et attendit le choc. Au lieu de cela, il entendit une déflagration étouffée, et son adversaire tomba à ses pieds, rugissant de rage et de douleur. Un impact de balle était apparu au bas de son cou, et un grand lambeau de chair blanchâtre pendait désormais de son épaule. Ne faisant ni une, ni deux, Thomas lui porta le coup de grâce, s'écartant prestement pour éviter les griffes du gros doppel, qu'il agitait dans les spasmes de sa mort prochaine. Une voix lui murmura à l'oreille : "Désolée, j'y arrive moins bien de la main gauche..." Il jeta un oeil rapide à Nathalie, qui lui souriait d'un air contrit.
-"Tu feras mieux la prochaine fois. Tu as intérêt d'ailleurs, sinon on va tous mourir. Tu as mal ? Moi j'ai mal. Heureusement Elisa a dit qu'elle allait me payer trois bières, alors ça va..."
-"J'ai un peu mal aussi. Je crois que j'ai même très mal, mais je ne suis pas docteur... Et à ce que je vois, Wilhelm aussi a mal. Et je crois qu'on n'a pas fini."
-"J'ai bien aimé faire l'amour avec toi."
-"Moi aussi. Il faudrait finir vivants et réessayer, juste pour voir si c'était pas un bête accident."
-"Tu as raison."
Epaule contre épaule, Thomas et Nathalie levèrent leurs armes. Le groupe était presque sur eux. Ils se renvoyèrent un sourire. Et la violence recommença.
Le gigantesque doppelgänger, qui avait réussi à se relever le premier, était déjà presque sur lui. Thomas soupira. Il leva son épée et attendit le choc. Au lieu de cela, il entendit une déflagration étouffée, et son adversaire tomba à ses pieds, rugissant de rage et de douleur. Un impact de balle était apparu au bas de son cou, et un grand lambeau de chair blanchâtre pendait désormais de son épaule. Ne faisant ni une, ni deux, Thomas lui porta le coup de grâce, s'écartant prestement pour éviter les griffes du gros doppel, qu'il agitait dans les spasmes de sa mort prochaine. Une voix lui murmura à l'oreille : "Désolée, j'y arrive moins bien de la main gauche..." Il jeta un oeil rapide à Nathalie, qui lui souriait d'un air contrit.
-"Tu feras mieux la prochaine fois. Tu as intérêt d'ailleurs, sinon on va tous mourir. Tu as mal ? Moi j'ai mal. Heureusement Elisa a dit qu'elle allait me payer trois bières, alors ça va..."
-"J'ai un peu mal aussi. Je crois que j'ai même très mal, mais je ne suis pas docteur... Et à ce que je vois, Wilhelm aussi a mal. Et je crois qu'on n'a pas fini."
-"J'ai bien aimé faire l'amour avec toi."
-"Moi aussi. Il faudrait finir vivants et réessayer, juste pour voir si c'était pas un bête accident."
-"Tu as raison."
Epaule contre épaule, Thomas et Nathalie levèrent leurs armes. Le groupe était presque sur eux. Ils se renvoyèrent un sourire. Et la violence recommença.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (3)
Elisa.
Elisa revint à elle dans une cacophonie de rugissements, d'imprécations et de chocs sourds. Péniblement, elle tenta de chasser de son visage le sang qui poissait, collant ses paupières, obstruant sa vue. Elle avait mal partout. Son visage avait été griffé en profondeur, de son front à sa joue droite, l'arête du nez seule ayant prévenu qu'elle perdît un oeil. Deux au moins de ses côtes la faisaient souffrir le martyre, et elle découvrit sur l'une de ses jambes un hématome déjà violacé qui montait de la cheville au genou. Elle jeta un oeil aux alentours. Plusieurs doppels gisaient, leur sang jaune tranchant sur la neige. A quelques mètres d'elle Thomas se défendait comme il le pouvait contre les assauts d'un vampire juché sur sa poitrine. Manifestement à bout de forces, il semblait à deux doigts de céder aux assauts du monstre. Un peu plus loin, Nathalie était à genoux, tenant son bras droit pendant devant elle, une mauvaise blessure lui barrant l'épaule. Elle oscillait doucement, semblant prête à s'évanouir. Juste devant elle, le cadavre d'un vampire, la tête presque arrachée, laissait signaler qu'elle avait été sauvée in extremis, et Elisa découvrit enfin par qui. Wilhelm, tout en cornes et en griffes, se démenait dans une mêlée sanglante, tenant tête à la demi-douzaine de créatures restantes, tranchant. Il semblait protéger quelque chose, une masse qu'Elisa ne parvenait pas à distinguer... Elle le vit feinter de la main droite, exposant l'autre flanc à l'attaque d'un gigantesque doppel qui passa immédiatement à l'attaque. Dans un même mouvement, Wilhelm pourfendit un vampire, enfonçant ses griffes jusqu'à la deuxième phalange dans son coeur, et saisit de sa main gauche la gorge de son assaillant, qui poussa un grognement étranglé. Il le jeta ensuite sur ses congénères, qui tombèrent tous au sol en une mêlée désorganisée. A ce moment précis, Serpentine entra dans la mêlée. Elle avait abandonné son enveloppe humaine, et s'était révélée son son vrai jour. Elisa n'avait jamais vu un doppel aussi massif. Le corps, mou et squameux chez les autres, semblait sec et noueux, tout en muscles et cartilages, brillant sous la pâleur de la lune. D'un uppercut parfait, elle envoya valdinguer Wilhelm à un mètre en arrière. Il se reçut comme il le put, et tenta immédiatement de se redresser entre elle et ses protégés. Elisa devina qu'il devait s'agir d'Ernest et de Monsieur Vé. Serpentine tourna la tête vers ses sbires. "Finissez les enfants. Je me charge de la bête et des vieux ! faites les souffrir, faites-les souffrir comme je souffre !" La horde, électrisée par ses exhortations, sembla se calmer, et s'organisa aussitôt pour se relever.
Elisa se sentit légère, soudain, alors que le vertige l'envahissait peu à peu. Elle les avait tous conviés ici, ce soir. Et ils allaient mourir à cause d'elle. Paralysée par la culpabilité, elle se laissa tomber en arrière, attendant la mort. Au-dessus, le ciel lui semblait resplendir d'étoiles, dans l'air froid et sec. Le ciel... Bien sûr ! Le ciel ! Elle se rappela soudain pourquoi elle les avait invités. Elle commença à réfléchir à la meilleure manière de mettre son plan à exécution. C'était faisable, enfin ça le serait si elle avait un peu de temps. Malheureusement les monstres étaient presque relevés, et ce ne serait qu'une question de secondes avant qu'ils ne soient sur elle.
Elisa sentit soudain une présence à côté d'elle, qui la fit pousser un cri. Ce n'était que Thomas, qui s'était traîné jusqu'à elle, essoufflé, meurtri, mais encore en un morceau. "J'ai mal", dit-il simplement, d'une voix rauque, frottant les muscles de ses épaules. Elisa vit que son cou n'était qu'un hématome, la peau étant même déchirée par endroits. "J'ai vachement mal. Vachement, vachement... Tu as mal aussi, toi ? On dirait que tu as mal."
Elisa acquiesça d'un hochement de tête, puis dit : "Il va falloir que tu m'aides. J'ai besoin de deux grosses minutes sans interruption, et il va falloir que tu m'arranges ça."
"Ca veut dire que je vais avoir encore plus mal, hein ?" dit Thomas tristement. "OK, va pour deux minutes. Mais tu me devras une bière..." Il se remit sur pieds, du mieux qu'il put. Il avait au moins retrouvé son épée. "Non, deux bières." Mais Elisa n'écoutait plus. Perdue dans les méandres de l'Echeveau, elle cherchait les fils qu'elle avait préparés avant d'être interrompue. La régularité mathématique l'apaisa, sa respiration se fit plus régulière, et elle se lança dans son exploration. Nicolas apparut à ses côtés, comme souvent lorsqu'elle faisait de la magie. Lorsqu'elle voyait l'Echeveau, il lui apparaissait toujours un peu plus net, comme si l'énorme masse d'énergie lui redonnait un peu de vitalité. Doucement, il lui prit la main.
-"Je m'excuse. Je ne sais pas ce que tu prépares. Mais je vais t'aider, si je peux."
Elisa lui sourit, un peu sévèrement.
-"Ce n'est pas moi qu'il faut aider. C'est Ernest, et Wilhelm, et les autres. Il faut que tu y ailles maintenant. J'ai besoin d'encore un peu de temps."
-"J'y vais."
Il lâcha sa main et disparut. Soulagée, elle se remit à la tâche.
Elisa revint à elle dans une cacophonie de rugissements, d'imprécations et de chocs sourds. Péniblement, elle tenta de chasser de son visage le sang qui poissait, collant ses paupières, obstruant sa vue. Elle avait mal partout. Son visage avait été griffé en profondeur, de son front à sa joue droite, l'arête du nez seule ayant prévenu qu'elle perdît un oeil. Deux au moins de ses côtes la faisaient souffrir le martyre, et elle découvrit sur l'une de ses jambes un hématome déjà violacé qui montait de la cheville au genou. Elle jeta un oeil aux alentours. Plusieurs doppels gisaient, leur sang jaune tranchant sur la neige. A quelques mètres d'elle Thomas se défendait comme il le pouvait contre les assauts d'un vampire juché sur sa poitrine. Manifestement à bout de forces, il semblait à deux doigts de céder aux assauts du monstre. Un peu plus loin, Nathalie était à genoux, tenant son bras droit pendant devant elle, une mauvaise blessure lui barrant l'épaule. Elle oscillait doucement, semblant prête à s'évanouir. Juste devant elle, le cadavre d'un vampire, la tête presque arrachée, laissait signaler qu'elle avait été sauvée in extremis, et Elisa découvrit enfin par qui. Wilhelm, tout en cornes et en griffes, se démenait dans une mêlée sanglante, tenant tête à la demi-douzaine de créatures restantes, tranchant. Il semblait protéger quelque chose, une masse qu'Elisa ne parvenait pas à distinguer... Elle le vit feinter de la main droite, exposant l'autre flanc à l'attaque d'un gigantesque doppel qui passa immédiatement à l'attaque. Dans un même mouvement, Wilhelm pourfendit un vampire, enfonçant ses griffes jusqu'à la deuxième phalange dans son coeur, et saisit de sa main gauche la gorge de son assaillant, qui poussa un grognement étranglé. Il le jeta ensuite sur ses congénères, qui tombèrent tous au sol en une mêlée désorganisée. A ce moment précis, Serpentine entra dans la mêlée. Elle avait abandonné son enveloppe humaine, et s'était révélée son son vrai jour. Elisa n'avait jamais vu un doppel aussi massif. Le corps, mou et squameux chez les autres, semblait sec et noueux, tout en muscles et cartilages, brillant sous la pâleur de la lune. D'un uppercut parfait, elle envoya valdinguer Wilhelm à un mètre en arrière. Il se reçut comme il le put, et tenta immédiatement de se redresser entre elle et ses protégés. Elisa devina qu'il devait s'agir d'Ernest et de Monsieur Vé. Serpentine tourna la tête vers ses sbires. "Finissez les enfants. Je me charge de la bête et des vieux ! faites les souffrir, faites-les souffrir comme je souffre !" La horde, électrisée par ses exhortations, sembla se calmer, et s'organisa aussitôt pour se relever.
Elisa se sentit légère, soudain, alors que le vertige l'envahissait peu à peu. Elle les avait tous conviés ici, ce soir. Et ils allaient mourir à cause d'elle. Paralysée par la culpabilité, elle se laissa tomber en arrière, attendant la mort. Au-dessus, le ciel lui semblait resplendir d'étoiles, dans l'air froid et sec. Le ciel... Bien sûr ! Le ciel ! Elle se rappela soudain pourquoi elle les avait invités. Elle commença à réfléchir à la meilleure manière de mettre son plan à exécution. C'était faisable, enfin ça le serait si elle avait un peu de temps. Malheureusement les monstres étaient presque relevés, et ce ne serait qu'une question de secondes avant qu'ils ne soient sur elle.
Elisa sentit soudain une présence à côté d'elle, qui la fit pousser un cri. Ce n'était que Thomas, qui s'était traîné jusqu'à elle, essoufflé, meurtri, mais encore en un morceau. "J'ai mal", dit-il simplement, d'une voix rauque, frottant les muscles de ses épaules. Elisa vit que son cou n'était qu'un hématome, la peau étant même déchirée par endroits. "J'ai vachement mal. Vachement, vachement... Tu as mal aussi, toi ? On dirait que tu as mal."
Elisa acquiesça d'un hochement de tête, puis dit : "Il va falloir que tu m'aides. J'ai besoin de deux grosses minutes sans interruption, et il va falloir que tu m'arranges ça."
"Ca veut dire que je vais avoir encore plus mal, hein ?" dit Thomas tristement. "OK, va pour deux minutes. Mais tu me devras une bière..." Il se remit sur pieds, du mieux qu'il put. Il avait au moins retrouvé son épée. "Non, deux bières." Mais Elisa n'écoutait plus. Perdue dans les méandres de l'Echeveau, elle cherchait les fils qu'elle avait préparés avant d'être interrompue. La régularité mathématique l'apaisa, sa respiration se fit plus régulière, et elle se lança dans son exploration. Nicolas apparut à ses côtés, comme souvent lorsqu'elle faisait de la magie. Lorsqu'elle voyait l'Echeveau, il lui apparaissait toujours un peu plus net, comme si l'énorme masse d'énergie lui redonnait un peu de vitalité. Doucement, il lui prit la main.
-"Je m'excuse. Je ne sais pas ce que tu prépares. Mais je vais t'aider, si je peux."
Elisa lui sourit, un peu sévèrement.
-"Ce n'est pas moi qu'il faut aider. C'est Ernest, et Wilhelm, et les autres. Il faut que tu y ailles maintenant. J'ai besoin d'encore un peu de temps."
-"J'y vais."
Il lâcha sa main et disparut. Soulagée, elle se remit à la tâche.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (2)
Thomas & Nathalie.
Ils approchaient du parc. Thomas eut un petit pincement au coeur, se rappelant les premières fois où ils s'y étaient rendus tous les trois, Elisa, Sandra et lui. Le calme des soirées du début de l'automne, le soleil couvrant de longues ombres les arbres et les jeux pour enfants. Quand ils étaient juste trois gamins avec le lycée devant eux, les profs, les parents, les petites décisions à prendre. Et les amitiés qui commençaient, nouvelle école, nouvelles classes. C'était bien. C'était bon. C'était abrutissant d'ennui. Mais si simple ! Depuis, il avait tellement vécu que jamais plus il ne supporterait un retour à l'ordre, mais il garderait de cette période de sa vie un souvenir de bonnes choses. Une voiture de patrouille passa devant eux. Nathalie le serra un peu plus fort, mais ils ne l'avaient pas vu. Il faisait nuit. Quelques flocons de neige tombaient, diffusant la lumière orange des éclairages publics, et ils étaient suffisamment emmitouflés dans leurs habits d'hiver pour ne même pas mériter un deuxième coup d'oeil. Le parc était à cent mètres, environ, un peu en retrait de la route, derrière une haie. Malgré la neige qui assourdissait les rues, il lui sembla entendre des grognements, une ruée, puis un cri étouffé. Il se tourna vers Nathalie, qui lui signifia d'un mouvement de tête qu'elle avait entendu aussi, tout en dégainant un petit flingue noir de son sac à mains. "Merci Papa", pensa-t-elle en vérifiant son chargeur et son silencieux. De sous son long manteau, Thomas sortit une grosse épée. Il n'avait jamais su tirer, et il savait que sur certaines cibles, l'effet était minime. Le corps à corps, il comprenait. Mais au vu de ce qui les attendait, ça n'allait pas être suffisant. Nathalie stoppa net sa course, lui fit signe de continuer, et avisa la situation. Vampires. Bof, pas la peine de gaspiller une balle qui ne ferait que les ralentir. Par contre, le petit doppel qui traînait à l'arrière était à découvert, et lent. Il s'effondra en pleine course dans une explosion de fluide jaunâtre, fauché par une balle à pointe creuse, très efficace sur son corps mou et malléable.
Thomas avait atteint la masse des monstres. Promptement, il trancha la tête de l'un des vampires, lui permettant de découvrir Elisa, en sang, griffée, mordue par la horde. Un second doppelgänger tomba, juste à côté de lui. Il esquiva une main griffue dirigée vers ses yeux, et leva son épée. Les agresseurs d'Elisa s'étaient remis de leur surprise, et ils délaissèrent son petit corps meurtri pour se retourner contre lui. Par chance, ils n'avaient pas encore remarqué Nathalie, mais elle allait avoir du mal à le couvrir sans le blesser désormais. Il para du tranchant de son épée un autre coup de griffe, la lame pénétrant le bras jusqu'à l'os, faisant hurler son adversaire. Pendant ce temps, un doppelgänger profita de son mouvement pour lui envoyer un coup de poing qui le déséquilibra. Un autre coup, dans le dos, lui coupa le souffle. Un nuage noir couvrit sa vision. Au travers, il aperçut un autre doppel qui tombait, la tête à moitié arrachée par le dernier coup de feu. Mais il tenait à peine debout. Avant de sombrer dans l'inconscience, il tenta d'avertir Nathalie du vampire qui l'approchait subrepticement, profitant de la couverture offerte par la haie, mais son cri se perdit dans les grognements de triomphe des monstres qui s'attaquaient désormais à son torse. La dernière chose qu'il vit fut le visage monstrueux du vampire qui se tenait accroupi sur ses côtes, prêt à dévorer son visage.
Ils approchaient du parc. Thomas eut un petit pincement au coeur, se rappelant les premières fois où ils s'y étaient rendus tous les trois, Elisa, Sandra et lui. Le calme des soirées du début de l'automne, le soleil couvrant de longues ombres les arbres et les jeux pour enfants. Quand ils étaient juste trois gamins avec le lycée devant eux, les profs, les parents, les petites décisions à prendre. Et les amitiés qui commençaient, nouvelle école, nouvelles classes. C'était bien. C'était bon. C'était abrutissant d'ennui. Mais si simple ! Depuis, il avait tellement vécu que jamais plus il ne supporterait un retour à l'ordre, mais il garderait de cette période de sa vie un souvenir de bonnes choses. Une voiture de patrouille passa devant eux. Nathalie le serra un peu plus fort, mais ils ne l'avaient pas vu. Il faisait nuit. Quelques flocons de neige tombaient, diffusant la lumière orange des éclairages publics, et ils étaient suffisamment emmitouflés dans leurs habits d'hiver pour ne même pas mériter un deuxième coup d'oeil. Le parc était à cent mètres, environ, un peu en retrait de la route, derrière une haie. Malgré la neige qui assourdissait les rues, il lui sembla entendre des grognements, une ruée, puis un cri étouffé. Il se tourna vers Nathalie, qui lui signifia d'un mouvement de tête qu'elle avait entendu aussi, tout en dégainant un petit flingue noir de son sac à mains. "Merci Papa", pensa-t-elle en vérifiant son chargeur et son silencieux. De sous son long manteau, Thomas sortit une grosse épée. Il n'avait jamais su tirer, et il savait que sur certaines cibles, l'effet était minime. Le corps à corps, il comprenait. Mais au vu de ce qui les attendait, ça n'allait pas être suffisant. Nathalie stoppa net sa course, lui fit signe de continuer, et avisa la situation. Vampires. Bof, pas la peine de gaspiller une balle qui ne ferait que les ralentir. Par contre, le petit doppel qui traînait à l'arrière était à découvert, et lent. Il s'effondra en pleine course dans une explosion de fluide jaunâtre, fauché par une balle à pointe creuse, très efficace sur son corps mou et malléable.
Thomas avait atteint la masse des monstres. Promptement, il trancha la tête de l'un des vampires, lui permettant de découvrir Elisa, en sang, griffée, mordue par la horde. Un second doppelgänger tomba, juste à côté de lui. Il esquiva une main griffue dirigée vers ses yeux, et leva son épée. Les agresseurs d'Elisa s'étaient remis de leur surprise, et ils délaissèrent son petit corps meurtri pour se retourner contre lui. Par chance, ils n'avaient pas encore remarqué Nathalie, mais elle allait avoir du mal à le couvrir sans le blesser désormais. Il para du tranchant de son épée un autre coup de griffe, la lame pénétrant le bras jusqu'à l'os, faisant hurler son adversaire. Pendant ce temps, un doppelgänger profita de son mouvement pour lui envoyer un coup de poing qui le déséquilibra. Un autre coup, dans le dos, lui coupa le souffle. Un nuage noir couvrit sa vision. Au travers, il aperçut un autre doppel qui tombait, la tête à moitié arrachée par le dernier coup de feu. Mais il tenait à peine debout. Avant de sombrer dans l'inconscience, il tenta d'avertir Nathalie du vampire qui l'approchait subrepticement, profitant de la couverture offerte par la haie, mais son cri se perdit dans les grognements de triomphe des monstres qui s'attaquaient désormais à son torse. La dernière chose qu'il vit fut le visage monstrueux du vampire qui se tenait accroupi sur ses côtes, prêt à dévorer son visage.
Comment tombent les héros - Quatrième partie (1)
Elisa.
Dans leur parc, munie de son éternel carnet, Elisa préparait le premier rituel de la soirée, avec un peu d'avance. C'était simple, la magie. Pas d'herbes bizarres, pas de concoctions, de chaudrons, d'yeux de quoi que ce soit. Pas de destinée non plus. Il fallait un cerveau ouvert, une connaissance poussée, une concentration intense et la volonté de dépasser une réalité qui n'avait finalement rien de si exceptionnel. Bon, il fallait quand même savoir ce qu'on faisait, savoir tisser l'Echevau, l'inextricable réseau de petits fragments d'énergie qui ne demandaient qu'à s'enchevêtrer un peu plus, pour vous piéger, comme une toile d'araignée, ou pour se rompre, laissant déferler la vague de puissance qu'il enserrait comme un filet. La première fois qu'elle avait "vu" l'Echeveau, Elisa avait eu le sentiment que, derrière, dans une zone qu'elle avait décidé de ne jamais explorer, se terraient les Dragons, pas ceux des légendes, mais les terreurs secrètes du cerveau animal, ce qui poussait les hommes, les chiens, tout ça, à se terrer lorsque la nuit tombait, lorsque le tonnerre grondait ou lorsque l'air se chargeait de peur, de faim, de rage destructrice. Il n'y avait pas de moralité dans cette force, juste un chaos primordial derrière la régularité mathématique de l'Echeveau. Elle s'y était perdue, parfois, explorant ce domaine fantastique, sans rien faire, profitant juste de cette étreinte étrange, ordre et désordre enlacés pour l'éternité. Alors qu'elle commençait à se concentrer, elle perçut une présence derrière elle. Ils arrivaient. Lorsqu'elle se tourna, son sourire se figea. Une femme inconnue, très belle, très élégante, la fixait d'un regard mauvais. Derrière elle, une douzaine de vampires et de doppelgängers, toutes griffes dehors, semblaient prêts à bondir. L'inconnue esquissa un geste leur intimant d'attendre, et Elisa remarqua ses mains. La peau était déchirée, pendant mollement, révélant l'épiderme squameux des très vieux doppelgängers. La femme prit la parole d'une voix douce et calme :
-"Tu vas mourir, petite fille. Tu vas mourir parce que tu as détruit notre monde. Tu vas mourir parce que tu as tué notre futur roi. J'espère que tu y es préparée. Sinon, c'est dommage, mais il est trop tard. Sache que rien n'arrêtera ma vengeance." Elle se tourna vers ses sbires, et leva les bras au ciel. "Dévorez-là !"
Un grognement rauque s'éleva de la gorge du groupe. Elisa commença à courir, abandonnant pèle-mêle ses préparatifs. La Horde déferla sur elle.
Dans leur parc, munie de son éternel carnet, Elisa préparait le premier rituel de la soirée, avec un peu d'avance. C'était simple, la magie. Pas d'herbes bizarres, pas de concoctions, de chaudrons, d'yeux de quoi que ce soit. Pas de destinée non plus. Il fallait un cerveau ouvert, une connaissance poussée, une concentration intense et la volonté de dépasser une réalité qui n'avait finalement rien de si exceptionnel. Bon, il fallait quand même savoir ce qu'on faisait, savoir tisser l'Echevau, l'inextricable réseau de petits fragments d'énergie qui ne demandaient qu'à s'enchevêtrer un peu plus, pour vous piéger, comme une toile d'araignée, ou pour se rompre, laissant déferler la vague de puissance qu'il enserrait comme un filet. La première fois qu'elle avait "vu" l'Echeveau, Elisa avait eu le sentiment que, derrière, dans une zone qu'elle avait décidé de ne jamais explorer, se terraient les Dragons, pas ceux des légendes, mais les terreurs secrètes du cerveau animal, ce qui poussait les hommes, les chiens, tout ça, à se terrer lorsque la nuit tombait, lorsque le tonnerre grondait ou lorsque l'air se chargeait de peur, de faim, de rage destructrice. Il n'y avait pas de moralité dans cette force, juste un chaos primordial derrière la régularité mathématique de l'Echeveau. Elle s'y était perdue, parfois, explorant ce domaine fantastique, sans rien faire, profitant juste de cette étreinte étrange, ordre et désordre enlacés pour l'éternité. Alors qu'elle commençait à se concentrer, elle perçut une présence derrière elle. Ils arrivaient. Lorsqu'elle se tourna, son sourire se figea. Une femme inconnue, très belle, très élégante, la fixait d'un regard mauvais. Derrière elle, une douzaine de vampires et de doppelgängers, toutes griffes dehors, semblaient prêts à bondir. L'inconnue esquissa un geste leur intimant d'attendre, et Elisa remarqua ses mains. La peau était déchirée, pendant mollement, révélant l'épiderme squameux des très vieux doppelgängers. La femme prit la parole d'une voix douce et calme :
-"Tu vas mourir, petite fille. Tu vas mourir parce que tu as détruit notre monde. Tu vas mourir parce que tu as tué notre futur roi. J'espère que tu y es préparée. Sinon, c'est dommage, mais il est trop tard. Sache que rien n'arrêtera ma vengeance." Elle se tourna vers ses sbires, et leva les bras au ciel. "Dévorez-là !"
Un grognement rauque s'éleva de la gorge du groupe. Elisa commença à courir, abandonnant pèle-mêle ses préparatifs. La Horde déferla sur elle.
Comment tombent les héros - Troisième partie (5)
Thomas & Nathalie.
Allongés sur le lit de Nathalie, blottis l'un contre l'autre, ils se regardaient dans les yeux. Thomas était plus calme, son énervement contre lui-même dissout par le souvenir de leur intimité. Il n'oublierait pas, pas pendant longtemps, ni la disparition de son amie, ni les erreurs qu'il avait commises, mais il sentait confusément qu'il avait fait de son mieux. Elle l'avait rassuré, elle avait arrêté sa chute, et il sentait qu'il pourrait remonter, pas forcément tout de suite, pas forcément demain, mais il le pourrait. Le mal de tête qui ne l'avait pas quitté depuis qu'il avait appris que Sandra était à l'hôpital s'estompait doucement. Il réfléchit à nouveau à tous ces jours durant lesquels il avait couru de pleurs en pleurs, de coups de téléphone en coups de téléphone, réduisant les petits moments sans histoires de ses interlocuteurs en tragédies ordinaires. Des chocs sourds ruinant ce dimanche d'automne comme les autres où elle les avait quittés. Ce matin-là, vers dix heures, Gallore, qui avait réussi à se faire passer pour un oncle et pouvait rester près d'elle plus longtemps, l'avait appelé pour lui dire qu'elle était "proche de la fin", et qu'elle souhaitait les voir tous ensemble. La migraine avait commencé, sourde, entêtante. Il avait appelé tout le monde, Elisa d'abord, puis Nathalie, puis Jean-Louis, puis Abraham. Puis il avait couru vers l'hôpital. Il était arrivé le premier, retrouvant Ernest penché sur elle, tenant d'une poigne douce sa petite main frêle, en silence. Il s'était approché et elle avait souri, comme si de rien n'était. Elle avait l'air si faible, l'athlète confirmée, la danseuse, la guerrière, réduite à l'état de fantôme triste au fond d'un lit d'hôpital. Il avait tenté de lui rendre son sourire, tout en sachant qu'il n'y parviendrait pas. Sa respiration était rauque, et dans son regard tout semblait s'éloigner, quitter le monde. Ernest avait croisé le regard de Thomas, "bientôt, très bientôt", un désespoir palpable l'enveloppant comme une cape. Sandra semblait concentrée, semblait lutter contre ce départ forcé, comme si elle attendait. Mais pour la première fois depuis qu'il la connaissait, Thomas la voyait perdre la bataille. Epuisée, éreintée, elle n'arrivait plus à rester. Jean-Louis et Rachid étaient arrivés alors, sans un mot, et Jean-Louis s'était précipité vers elle, un sanglot déchirant son grand corps maigre. Et au même moment elle avait crié : "Non, pas tout de suite, ce n'est pas juste ! Ils ne sont pas encore là, pas encore. Aide-moi Jean-Louis, je n'y arrive plus ! Je n'y arrive plus toute seule et ils ne sont pas encore là."
Thomas n'avait pas entendu la réponse de Jean-Louis, il avait remarqué sa grande main noire serrer contre son coeur la tête de sa petite amie, qui convulsa une dernière fois puis se tint immobile. Sa migraine empira, emplit son être tout entier, emporta son esprit au-delà de lui-même. Il se laissa tomber au sol, près de Rachid qui pleurait toutes les larmes de son corps. Elle était partie. Immédiatement ou presque, ils furent chassés de la pièce par une infirmière, retrouvant Elisa dans le couloir. Il l'avait serrée dans ses bras, puis tout était devenu noir.
Il se retourna, contemplant le plafond lambrissé de la chambre de Nathalie, expira. Elle passa la main le long de son torse.
-"Elle était si triste qu'on ne soit pas tous là, tu sais ? J'ai pas réussi à faire venir les gens assez vite. J'aurais tellement voulu qu'elle ait droit à ça..."
-"Tu ne pouvais pas les téléporter. Tu as fait ce que tu as pu."
-"Je sais. Il m'a fallu tout ça, aujourd'hui, toi, et tout, pour m'en rendre compte. J'ai fait de mon mieux. Mais ça n'a pas suffi. Elle kiffait tellement quand on était tous ensemble, juste à traîner. Et nous aussi. On pouvait rien faire pour l'aider, tu vois ? A part être là. Et c'est arrivé tellement vite qu'on n'a pas pu faire ça, même ça. Et c'est nul."
-"Elle devait le savoir. Que vous essaieriez, que vous ne risquiez pas de l'oublier. Que vous étiez là pour elle. Ca fait beaucoup, quand même."
-"Tu as raison." Il laissa passer un long moment en silence, perdant son regard dans les noeuds du bois au plafond.
-"C'est pas comme ça que j'imaginais ma première fois.", déclara-t-il, songeur. "Ca en fait, des émotions. Des choses à réfléchir..."
-"Tu aurais préféré un autre moment ? Un autre endroit ?", demanda Nathalie, d'une voix calme.
-"Je ne crois pas, non. Et on était prêts, alors ça va. J'ai... pas été trop... nul ?"
-"Tais-toi", répondit-elle en lui jetant un petit oreiller à la figure. Il la serra dans ses bras. Son mal de tête était passé. Il jeta un oeil à l'horloge. Ils avaient peut-être encore le temps.
Allongés sur le lit de Nathalie, blottis l'un contre l'autre, ils se regardaient dans les yeux. Thomas était plus calme, son énervement contre lui-même dissout par le souvenir de leur intimité. Il n'oublierait pas, pas pendant longtemps, ni la disparition de son amie, ni les erreurs qu'il avait commises, mais il sentait confusément qu'il avait fait de son mieux. Elle l'avait rassuré, elle avait arrêté sa chute, et il sentait qu'il pourrait remonter, pas forcément tout de suite, pas forcément demain, mais il le pourrait. Le mal de tête qui ne l'avait pas quitté depuis qu'il avait appris que Sandra était à l'hôpital s'estompait doucement. Il réfléchit à nouveau à tous ces jours durant lesquels il avait couru de pleurs en pleurs, de coups de téléphone en coups de téléphone, réduisant les petits moments sans histoires de ses interlocuteurs en tragédies ordinaires. Des chocs sourds ruinant ce dimanche d'automne comme les autres où elle les avait quittés. Ce matin-là, vers dix heures, Gallore, qui avait réussi à se faire passer pour un oncle et pouvait rester près d'elle plus longtemps, l'avait appelé pour lui dire qu'elle était "proche de la fin", et qu'elle souhaitait les voir tous ensemble. La migraine avait commencé, sourde, entêtante. Il avait appelé tout le monde, Elisa d'abord, puis Nathalie, puis Jean-Louis, puis Abraham. Puis il avait couru vers l'hôpital. Il était arrivé le premier, retrouvant Ernest penché sur elle, tenant d'une poigne douce sa petite main frêle, en silence. Il s'était approché et elle avait souri, comme si de rien n'était. Elle avait l'air si faible, l'athlète confirmée, la danseuse, la guerrière, réduite à l'état de fantôme triste au fond d'un lit d'hôpital. Il avait tenté de lui rendre son sourire, tout en sachant qu'il n'y parviendrait pas. Sa respiration était rauque, et dans son regard tout semblait s'éloigner, quitter le monde. Ernest avait croisé le regard de Thomas, "bientôt, très bientôt", un désespoir palpable l'enveloppant comme une cape. Sandra semblait concentrée, semblait lutter contre ce départ forcé, comme si elle attendait. Mais pour la première fois depuis qu'il la connaissait, Thomas la voyait perdre la bataille. Epuisée, éreintée, elle n'arrivait plus à rester. Jean-Louis et Rachid étaient arrivés alors, sans un mot, et Jean-Louis s'était précipité vers elle, un sanglot déchirant son grand corps maigre. Et au même moment elle avait crié : "Non, pas tout de suite, ce n'est pas juste ! Ils ne sont pas encore là, pas encore. Aide-moi Jean-Louis, je n'y arrive plus ! Je n'y arrive plus toute seule et ils ne sont pas encore là."
Thomas n'avait pas entendu la réponse de Jean-Louis, il avait remarqué sa grande main noire serrer contre son coeur la tête de sa petite amie, qui convulsa une dernière fois puis se tint immobile. Sa migraine empira, emplit son être tout entier, emporta son esprit au-delà de lui-même. Il se laissa tomber au sol, près de Rachid qui pleurait toutes les larmes de son corps. Elle était partie. Immédiatement ou presque, ils furent chassés de la pièce par une infirmière, retrouvant Elisa dans le couloir. Il l'avait serrée dans ses bras, puis tout était devenu noir.
Il se retourna, contemplant le plafond lambrissé de la chambre de Nathalie, expira. Elle passa la main le long de son torse.
-"Elle était si triste qu'on ne soit pas tous là, tu sais ? J'ai pas réussi à faire venir les gens assez vite. J'aurais tellement voulu qu'elle ait droit à ça..."
-"Tu ne pouvais pas les téléporter. Tu as fait ce que tu as pu."
-"Je sais. Il m'a fallu tout ça, aujourd'hui, toi, et tout, pour m'en rendre compte. J'ai fait de mon mieux. Mais ça n'a pas suffi. Elle kiffait tellement quand on était tous ensemble, juste à traîner. Et nous aussi. On pouvait rien faire pour l'aider, tu vois ? A part être là. Et c'est arrivé tellement vite qu'on n'a pas pu faire ça, même ça. Et c'est nul."
-"Elle devait le savoir. Que vous essaieriez, que vous ne risquiez pas de l'oublier. Que vous étiez là pour elle. Ca fait beaucoup, quand même."
-"Tu as raison." Il laissa passer un long moment en silence, perdant son regard dans les noeuds du bois au plafond.
-"C'est pas comme ça que j'imaginais ma première fois.", déclara-t-il, songeur. "Ca en fait, des émotions. Des choses à réfléchir..."
-"Tu aurais préféré un autre moment ? Un autre endroit ?", demanda Nathalie, d'une voix calme.
-"Je ne crois pas, non. Et on était prêts, alors ça va. J'ai... pas été trop... nul ?"
-"Tais-toi", répondit-elle en lui jetant un petit oreiller à la figure. Il la serra dans ses bras. Son mal de tête était passé. Il jeta un oeil à l'horloge. Ils avaient peut-être encore le temps.
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